Korczowa (POL)Les camionneurs ukrainiens bloqués en Pologne aux prises avec le froid
Depuis début novembre, les routiers ukrainiens sont bloqués par les Polonais, qui dénoncent une concurrence déloyale de leur part. Et leurs provisions s’épuisent.
Dans un parking à quelques kilomètres de Korczowa, dans le sud-est de la Pologne, dans l’un des postes-frontières avec l’Ukraine bloqués depuis un mois par des routiers polonais, des camionneurs ukrainiens déneigent leurs véhicules et discutent de leur sort en ramenant des courses d’un supermarché voisin.
Près de 100 camionneurs, principalement ukrainiens, sont bloqués par les Polonais qui dénoncent une concurrence «déloyale» de leur part. La nuit, les températures descendent jusqu’à -5 degrés Celsius. «Dieu merci, nous avons encore de l’eau, confie Yurii, un Ukrainien en route vers Kiev, bloqué à Korczowa depuis sept jours. Mais si les températures négatives se maintiennent, elle pourrait manquer.»
Début novembre, les propriétaires d’entreprises de transport polonaises ont décidé de bloquer les principaux points de passage vers l’Ukraine pour demander la restauration du système de permis européen pour les transporteurs ukrainiens. Le système avait été abandonné par l’UE au lendemain de l’invasion russe de l’Ukraine pour faciliter les échanges commerciaux avec ce pays en guerre.
«Nous ne sommes que des pièces sur un échiquier»
«Ici tout le monde vous dira plus ou moins la même chose: les politiciens ne trouvent pas de solution et nous ne sommes que des pièces sur un échiquier pour eux», déclare Roman, un camionneur bloqué à Korczowa. Âgé de 45 ans, cet Ukrainien est en charge de la liste d’attente improvisée par les camionneurs et destinée à fluidifier le passage.
Les transporteurs polonais ne laissent entrer en Ukraine que sept camions par heure et pour déterminer l’ordre de passage, les Ukrainiens ont créé un système de liste d’attente. «Ceux qui ont attendu le plus longtemps, à savoir 13-14 jours, sont déjà partis, déclare-t-il, ce sera bien plus rapide maintenant, alors que 50 à 60 camions passent chaque jour», explique Roman.
«On s’en sort comme on peut»
Igor, un camionneur de 68 ans originaire de Lviv, transportait des poissons congelés de Lituanie à Kiev avant d’être coincé à Korczowa il y a six jours. Dans la chaleur de la cabine de son camion, où de l’eau bout sur un réchaud à gaz, il ne peut étouffer un sentiment d’incertitude. «J’utilise mes provisions avec parcimonie, car nous ne savons pas vraiment combien je dois encore attendre», dit-il.
Une dizaine de camionneurs se sont regroupés autour d’un feu à l’entrée du parking où des bénévoles polonais sont venus apporter des repas chauds, du pain et des bouteilles d’eau. Les transporteurs reçoivent des bols de soupe, dont près de 5000 sont distribuées quotidiennement par l’organisation World Central Kitchen dans les postes-frontières bloqués en Pologne.
Serhii Vanat, un Ukrainien de 39 ans, est, lui, venu de Wroclaw, à 500 kilomètres à l’ouest de Korczowa, pour aider les camionneurs. «Je les aide à communiquer avec la police, à joindre les autorités locales, à apporter du bois de chauffage ou de l’eau», explique-t-il. «On s’en sort comme on peut (…) il n’y a pas de vraies toilettes, pas d’endroit pour prendre soin de son hygiène», ajoute-t-il craignant une baisse des températures et le manque d’argent.
Selon Serhii Vanat, le mouvement de protestation des routiers polonais nuit avant tout à l’effort de guerre ukrainien. «Les Polonais nous ont beaucoup aidés dans les premiers jours de la guerre, dit-il, Mais là? Je pense que c’est une forme de propagande russe.»