CommentaireSentiment d’impunité pour les banquiers du Credit Suisse
Les petits actionnaires de la banque peuvent bien se défouler contre les dirigeants, rien ne va fondamentalement changer avec la nouvelle UBS.
- par
- Eric Felley
1748 actionnaires du Credit Suisse se sont rendus à Zurich ce mardi pour la dernière assemblée générale de la banque après son rachat par UBS le 19 mars dernier. «Veuillez m’excuser pour le fait que nous n’ayons pas pu arrêter la perte de confiance accumulée au fil des ans et que nous vous ayons tous déçus», leur a déclaré son président Alex Lehmann. À ces propos ont fait écho ceux de Vincent Kaufmann, directeur de la Fondation Ethos, qui a souhaité que «toute la lumière soit faite sur la responsabilité des dirigeants actuels et anciens de la banque». Ce qui n’est pas gagné et de loin.
L’ombre d’UBS planait sur cette assemblée. C’est elle qui va conduire ces prochains mois le processus de fusion, qui aboutira à la fin de l’enseigne Credit Suisse. Comment? Même Axel Lehmann a admis qu’il ignorait les plans d’UBS. Des petits actionnaires sont intervenus mardi de manière agressive pour dénoncer jusqu’à la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter «totalement dépassée par la gestion de la crise bancaire». Tout le monde en a pris pour son grade: les sociétés d’audit PwC et BDO, la FINMA, les Américains, les Russes, Blackrock, Soros, la «Suisse criminelle»… Ce fut un défouloir à la hauteur de l’impuissance ressentie par ces gens face aux décideurs.
Une semaine avant la session extraordinaire
Cette dernière assemblée générale de Credit Suisse se déroule juste une semaine avant le début de la session extraordinaire du Parlement à Berne, le 11 avril. Ces derniers temps, les signaux se sont multipliés pour un apaisement politique. La venue de Sergio Ermotti à la tête d’UBS a été saluée par presque tous les partis. La session a été expurgée de tout ce qu’elle pouvait contenir de trop clivant, notamment la création d’une commission d’enquête. Le Parlement va avaliser les 109 milliards de garanties promises par le Conseil fédéral à UBS.
Après les communiqués d’indignation de tous les partis politique au lendemain du 19 mars, le lobby bancaire semble avoir repris le contrôle de ses troupes au Parlement. Les velléités de régulation (plus de fonds propres, moins de bonus) seront probablement diluées dans l’adoption d’un ou deux postulats. Cela permettra de faire traîner les choses, tout en donnant l’impression à l’opinion publique de faire quelque chose.
Les gens n’ont rien volé, ils se sont servis
Il en va de même des poursuites contre des anciens de Credit Suisse ou de la restitution des bonus. Cela n’arrivera pas. À l’heure actuelle, a précisé ce mardi Axel Lehmann, aucune poursuite n’a été engagée contre d’anciens responsables. La Suisse ne connaît pas d’action collective qui pourrait permettre de regrouper les forces dans une seule plainte. La droite n’en a jamais voulu au Parlement.
De plus, la responsabilité de la chute inexorable du Credit Suisse est diluée dans un grand nombre de personnes qui ont pris de mauvaises décisions. Mise bout à bout, elles ont fini par couler la banque, qui n’a pas fait faillite, rappelons-le. Ces décisions ont été prises et avalisées par des assemblées générales. La même chose pour les bonus. Ils ont été octroyés en conformité avec des règlements. Les gens n’ont rien volé, ils se sont servis, c’est tout.
Le 19 mars, le Conseil fédéral a apporté les garanties de la Confédération pour sauver l’industrie bancaire d’une catastrophe imminente à cause de Credit Suisse. Maintenant que le danger semble écarté, les acteurs de la branche, UBS en tête, entendent reprendre leurs affaires. Ils savent qu’au Parlement, ils peuvent compter sur les bonnes personnes dans les bons groupes politiques pour obtenir à peu près tout ce qu’ils veulent.