Afrique du SudRebelles tigréens et gouvernement éthiopien discutent à Pretoria
Rebelles du Tigré et gouvernement éthiopien ont entamé mardi des pourparlers visant à «trouver une solution pacifique et durable» au conflit qui ravage le nord du pays.
Le début de ces discussions très attendues, sous l’égide de l’Union africaine (UA), a été annoncé par la présidence sud-africaine. «Les pourparlers de paix organisés pour trouver une solution pacifique et durable au conflit dévastateur dans la région du Tigré ont commencé aujourd’hui 25 octobre et se termineront le 30 octobre», a déclaré le porte-parole du président sud-africain Cyril Ramaphosa, Vincent Magwenya.
Le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki, a salué dans un communiqué «l’engagement des parties en faveur de la paix et de la recherche d’une solution politique durable», et assuré les soutenir pour «faire taire les armes vers une Éthiopie unie, stable, pacifique et résiliente».
Rebelles tigréens et armée fédérale -- appuyée par les forces de régions éthiopiennes voisines et de l’armée de l’Érythrée, pays frontalier du Tigré -- s’affrontent depuis novembre 2020 dans un conflit meurtrier qui a plongé le nord de l’Éthiopie dans une grave crise humanitaire.
Après cinq mois de trêve, les combats ont repris le 24 août. Les forces éthiopiennes et érythréennes ont annoncé ces dernières semaines s’être emparées de plusieurs villes dont Shire, une des principales du Tigré. La communauté internationale s’est alarmée de ce regain des violences, qui a bloqué l’acheminement de l’aide humanitaire dans cette région de six millions d’habitants en proie à la faim.
Face à cette situation «très préoccupante», le haut-commissaire aux réfugiés de l’ONU, Filippo Grandi, a exhorté les belligérants au dialogue. «S’il vous plaît, pour le bien de votre propre peuple, parvenez à une conclusion positive, ou au moins ouvrez une voie vers la paix», a-t-il lancé lors d’une conférence de presse dans la capitale kényane Nairobi.
De son côté, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a exhorté les deux parties, dans un communiqué mardi soir, à «s’engager sérieusement dans ces discussions afin d’atteindre une résolution durable au conflit». Le porte-parole du département d’État, Ned Price, avait indiqué plus tôt que l’émissaire américain Mike Hammer participait aux discussions.
Médiation panafricaine
Ces discussions sont le premier dialogue rendu public entre les deux camps. Selon un responsable occidental, de précédents contacts secrets -- organisés par les États-Unis -- ont précédemment eu lieu aux Seychelles et deux fois à Djibouti.
L’équipe de médiation comprend le haut représentant de l’UA pour la Corne de l’Afrique, l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, l’ancien président kényan Uhuru Kenyatta et l’ancienne vice-présidente sud-africaine Phumzile Mlambo-Ngcuka.
Jeudi, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed avait assuré que la guerre allait «se terminer et la paix l’emporter», sans toutefois évoquer ces négociations et alors que les forces progouvernementales ont récemment accentué leur offensive au Tigré. Un porte-parole des rebelles a répété dimanche soir sur Twitter leurs demandes: «cessation immédiate des hostilités, accès humanitaire sans entraves et retrait des forces érythréennes».
Des demandes auxquelles le secrétaire d’État américain Antony Blinken a fait écho dans son communiqué mardi soir.
Le chef des rebelles tigréens Debretsion Gebremichael a adopté lundi un ton plus martial, assurant que «les forces ennemies conjointes qui sont entrées au Tigré (seraient) enterrées».
Région coupée du monde
La guerre a commencé en novembre 2020 quand Abiy Ahmed a envoyé l’armée au Tigré pour déloger les autorités régionales, issues du Front de libération du peuple du Tigre (TPLF), qui contestaient son autorité et qu’il accusait d’avoir attaqué des bases militaires.
Le TPLF a dominé la coalition au pouvoir en Éthiopie pendant des décennies, avant qu’Abiy Ahmed n’arrive au pouvoir en 2018. Ce dernier les a ensuite écartés du pouvoir.
Le bilan exact du conflit, qui se déroule largement à huis clos, est inconnu. Les journalistes n’ont pas accès au nord de l’Éthiopie et les télécommunications y fonctionnent de manière aléatoire, rendant impossible toute vérification indépendante d’informations.
L’ambassadrice américaine auprès de l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, a estimé vendredi qu’en deux ans, «jusqu’à un demi-million de personnes sont mortes». La guerre a également déplacé plus de deux millions d’Éthiopiens et plongé des centaines de milliers dans des conditions proches de la famine, selon l’ONU.
Ce conflit a été jalonné d’accusations d’exactions sur les civils commises par les deux camps. Dans un communiqué, Amnesty International a mis en garde contre le risque de nouvelles «atrocités». «Les civils tigréens craignent que les exactions généralisées, telles que les meurtres illégaux, violences sexuelles et attaques systématiques (…) puissent se reproduire», a déclaré sa directrice pour l’Afrique de l’Est et australe, Muleya Mwananyanda.
Selon Amnesty, des frappes aériennes à Mekele et Adi Daero en août et septembre ont tué «des centaines de civils, dont des enfants». L’ONG accuse aussi l’armée érythréenne d’avoir exécuté «au moins 40 personnes» à Sheraro, dans le nord-ouest du Tigré.