IsraëlLa Cour suprême inflige un camouflet au gouvernement Netanyahu
Une disposition clé très controversée du projet de réforme judiciaire du premier ministre, qui aurait de facto mis le gouvernement au-dessus de la loi, a été invalidée par la Cour suprême lundi.
La Cour suprême israélienne a infligé lundi un camouflet au premier ministre Benjamin Netanyahu en pleine guerre de Gaza en invalidant une disposition clé de la réforme judiciaire très controversée promue par son gouvernement. Le projet avait déclenché un des plus importants mouvements de contestation de l’histoire d’Israël, éclipsé par la guerre avec le Hamas palestinien depuis le 7 octobre.
La mesure invalidée prévoyait d’ôter au pouvoir judiciaire le droit de se prononcer sur «le caractère raisonnable» des décisions du gouvernement ou du Parlement israélien. Huit des 15 juges de la Cour suprême ont voté pour l’invalidation de cette mesure, a indiqué le Ministère israélien de la justice dans un communiqué.
Le ministre israélien de la Justice, Yariv Levin, a accusé la Cour de «s’arroger tous les pouvoirs»: «dans les faits, les juges (de la Cour suprême) prennent entre leurs mains, avec cette décision, tous les pouvoirs qui, dans un régime démocratique, sont réparties de manière équilibrée entre les trois pouvoirs», exécutif, législatif et judiciaire, a écrit le ministre sur Telegram.
Le chef de l’opposition salue la décision
Yariv Levin est le numéro deux du gouvernement, proche de Benjamin Netanyahu et architecte de cette réforme controversée. Il a aussi critiqué la publication de cet arrêt «en pleine guerre (dans la bande de Gaza), ce qui va à l’encontre de l’unité nécessaire en ces jours pour le succès de nos combattants sur le front». Une accusation aussi portée par le parti Likoud de Benjamin Netanyahu.
Le chef de l’opposition et ancien premier ministre Yaïr Lapid a salué la décision, jugeant que la Cour avait «fidèlement rempli son rôle en protégeant les citoyens d’Israël». Cette décision «met fin à une année difficile de conflits qui nous ont déchirés de l’intérieur et ont conduit à la pire catastrophe de notre histoire», a-t-il déclaré sur X (ex-Twitter), se référant à l’attaque menée le 7 octobre par le Hamas.
La Cour suprême a par ailleurs décidé qu’elle avait l’autorité d’invalider une loi fondamentale «dans les cas rares et exceptionnels dans lesquels le Parlement outrepasse son autorité». Les lois fondamentales font office de Constitution en Israël.
Projet contesté par les Israéliens
Depuis l’annonce de la réforme judiciaire en janvier 2023, le projet est contesté dans la rue. Avant le 7 octobre, plusieurs dizaines de milliers de personnes s’opposant à la réforme ont manifesté presque chaque samedi, principalement à Tel-Aviv, mais aussi dans de nombreuses villes du pays.
Selon le gouvernement de coalition, l’un des plus à droite de l’histoire du pays, alliant des partis de droite, d’extrême droite et des formations juives ultraorthodoxes, cette réforme vise à corriger un déséquilibre, en renforçant le pouvoir des élus sur celui des magistrats.
Israël n’a pas de Constitution, ni l’équivalent d’une chambre haute du Parlement, et la doctrine sur le «caractère raisonnable» a précisément été utilisée pour permettre aux juges de déterminer si un gouvernement outrepasse ses prérogatives. En janvier 2023, la Cour suprême a ainsi invalidé la nomination d’Arié Deri, un proche de Benjamin Netanyahu, comme ministre de l’Intérieur, arguant qu’il avait été reconnu coupable de fraude fiscale et il n’était donc pas «raisonnable» qu’il siège au gouvernement.
Les détracteurs de la réforme accusent Benjamin Netanyahu, jugé pour corruption, de vouloir utiliser cette réforme pour adoucir un éventuel jugement à son encontre, ce qu’il nie.