Guerre en UkraineIl collecte des fonds pour frapper la Russie avec des drones
L’utilisation de ces appareils montre l’envie de Kiev de frapper la Russie en profondeur. En 2022, la fondation de Serguiï Prytoula a récolté 8,7 millions lors d’une collecte de «vengeance».
Accroupi à côté de drones aériens explosifs, la star de la télé ukrainienne Serguiï Prytoula semble vouloir narguer la Russie avec sa flotte, financée par des dons et utilisée, selon des experts, dans les dernières frappes ukrainiennes sur le sol russe.
Kiev n’a pas revendiqué l’ensemble des attaques ayant récemment visé la Russie, y compris sa capitale Moscou, mais Volodymyr Zelensky a averti que la «guerre» arrivait progressivement chez son voisin. Récemment, Serguiï Prytoula – deuxième personnalité préférée des Ukrainiens derrière le président, selon des sondages – a ainsi partagé de rares images des drones explosifs ukrainiens, dans un lieu tenu secret.
«Moscovites! Tremblez avec les sirènes. Allez dans les abris», met-il en garde sur X – ex-Twitter –, accompagnant son message de photos le montrant avec des drones gris sur une piste d’atterrissage. «On ne savait pas qu’on pouvait les faire voler jusqu’à Moscou», ajoute-t-il, sourire aux lèvres, dans une autre vidéo postée sur les réseaux sociaux le 30 juillet, jour où les autorités russes ont affirmé qu’un drone ukrainien, intercepté, avait percuté un immeuble de bureaux dans la capitale russe.
Lors d’un entretien accordé à l’AFP dans son bureau de Kiev, l’ancien comédien, dont la carrière est aujourd’hui «terminée», a refusé de préciser le modèle des drones montrés dans ses vidéos. Ce sont «des billets sans retour», affirme-t-il en riant, précisant seulement que ces engins peuvent voler jusqu’à 1000 kilomètres et coûtent près de 100’000 euros pièce.
«Sans amour, mais sans haine»
L’utilisation croissante de ses propres drones par les forces ukrainiennes met en exergue la nouvelle stratégie de Kiev, déterminé à frapper la Russie en profondeur, alors que Moscou avait jusqu’à récemment bénéficié d’un quasi-monopole dans les airs.
Sur l’un des drones posés à côté de Serguiï Prytoula dans sa vidéo, un message est écrit à la main: «Sans amour. De la part des Ukrainiens.» «Évidemment, sans amour, mais sans haine non plus», assure-t-il dans son bureau, jonché de trophées de guerre offerts par des soldats ukrainiens, y compris l’aile détruite d’un avion russe abattu.
L’an passé, sa fondation a recueilli 352 millions de hryvnia (environ 8,7 millions d’euros) lors d’une collecte de fonds «de vengeance» destinés à acheter des drones explosifs. L’ancienne star de la TV ukrainienne, qui s’est fait connaître, comme Volodymyr Zelensky, par ses sketches, explique qu’une entreprise locale a conçu ces engins pendant plusieurs mois.
500’000 euros récoltés par un influenceur
Il n’est pas le seul à s’être lancé dans ce genre de projet. Igor Latchenkov, un autre influenceur, dit ainsi avoir récolté 500’000 euros pour des drones explosifs. Quelques jours après l’attaque de deux drones visant, en mai, le Kremlin, le cœur du pouvoir russe, il avait posté des photos de lui à côté de ce qui semblait être des drones Beaver.
Ces efforts illustrent l’importance prise, depuis le début de la guerre, par les collectes de fonds en Ukraine qui, face à un agresseur plus puissant, dépend de plus en plus du soutien de ses habitants et de l’aide militaire occidentale pour assurer sa défense.
Cela aide les gens «à canaliser leur rage»
«Nous devons faire quelque chose de bien pour notre armée», revendique Serguiï Prytoula. Au total, il affirme que sa fondation a récolté environ 130 millions d’euros depuis le début de l’invasion des troupes russes, en février 2022, une grande partie des contributions venant de la population ukrainienne.
Dans un entrepôt situé au siège de son organisation, des dizaines de bénévoles s’affairent à emballer et étiqueter des cartons contenant toutes sortes de produits: lunettes de visée, téléphones satellites, médicaments destinés aux soldats… Ces «campagnes de collectes de fonds aident les gens à canaliser leur rage et leur frustration dans ces initiatives, qui sont à destination de l’armée», observe Roman Ossadtchouk, un chercheur basé à Kiev pour le Laboratoire de recherche en criminalité numérique de l’Atlantic Council. «Cela donne aux personnes non militaires l’impression d’aider à repousser l’invasion russe.»