CyclismeLes championnats de Suisse, c’est le «vélo vrai»
Il y a toujours quelque chose de rafraîchissant sur les courses au maillot national. Un voyage dans la bicyclette, loin des fastes des grands Tours.
- par
- Robin Carrel Steinmaur (ZH)
Que vous vous appeliez Emeline Jacolino - au départ du contre-la-montre U19 femmes en fin de matinée - ou Joël Suter - qui a remporté le titre chez les élites messieurs -, il n'y a pas de passe-droit, aux championnats de Suisse de chrono. Tout le monde a la même passion et se bat pour le même paletot rouge à croix blanche. Et tout le monde doit payer des frais d'inscription, que vous soyez venus en Twingo ou avec le minibus de votre équipe World Tour. C'est 17 francs pour Emeline et 25 pour Stefan!
Le prestige du maillot, que les vainqueurs pourront porter dans cet exercice bien spécifique pendant un an, n'a pas de prix. Et tant pis pour 98% des favoris des catégories les plus prestigieuses, qui sortent du Covid ou qui ont très peur de l’attraper avant le Tour de France. Par contre, il y a quand même une récompense pour les gagnants de chaque catégorie. Pas de quoi mettre du beurre dans les épinards et pas de quoi, non plus, acheter une nouvelle roue en rentrant chez soi, voire même sans doute payer l'essence, suivant d'où vous venez en Suisse.
Ici, alors que les avions décollent au loin, en faisant presque autant de bruit que les cigognes qui rodent en nombre, la remise des prix se fait devant une grange, avec trois sponsors attachés sur un vieux grillage. Aux championnats de Suisse, les débriefs se font entre des machines agricoles et des sacs géants de nitrate d'ammoniaque. Dans le coin, les combos gagnants schublig-salade de pommes de terre partent à la chaîne - on a même vu la toute fraîche championne de Suisse espoirs acheter sa dose en attendant le podium. A Steinmaur, les tasses de café compteraient pour des chopes de notre côté de la Sarine.
Ce petit coin de Suisse, à peu près à mi-chemin entre Zurich et Koblenz (AG), c’est le genre d’endroit où on vous regarde un peu bizarre, parce que vous avez voulu vous la péter avec votre t-shirt à la gloire d'un cycliste dont le surnom est «Bini». On m'a demandé qui était ce «Beni», forcément, car le surnom est pas mal répandu dans les parages. Et il a fallu expliquer à des tas de gens munis de bières locales géantes en bouteille que ce n'était pas un prometteur Suisse-Allemand, mais bien la sensation érythréenne de ce début de saison. Plusieurs salles, autant d'ambiances.
Et puis après, il y a l'après-course, où n'importe quel supporter de foot ou de hockey se frotterait très fort les yeux. Sous la grange, Fabian Cancellara devise avec un peu tout le monde, après avoir débriefé ses nouvelles ouailles de l'équipe Tudor. Il y a Olivier Senn, le patron du Tour de Suisse, qui observe ça avec bienveillance. A une table, on retrouve les trois pros qui attendent le podium et tapent des théories. Pas loin, le Papa Christen, qui a vu ses deux fils Jan et Fabio gagner des médailles en juniors…
Bon, c'est vrai, l'arrivée était un peu en virage, avec parfois des gens de la commune qui franchissaient la ligne dans le mauvais sens en vélo électrique. La banderole d'arrivée ressemblait à ce qu'on attacherait derrière les grillages d'un but de 4e ligue. Mais la bonne humeur de tout le monde, la salle de gym locale réquisitionnée pour permettre aux athlètes de se doucher, la gentillesse des organisateurs qui avaient ressorti leurs t-shirts de l'édition 2015 et les nombreuses familles venues couver leurs champions font la différence.
Dommage que dimanche encore, pour la course en ligne, ce qui se fait de mieux dans les pelotons en Suisse ne fasse pas le déplacement. Le Covid fait trop peur, à quelques jours de partir à Copenhague, pour disputer le Tour de France. Au moins, on peut être sûr que le futur champion appréciera son maillot et le chérira même pendant une année.