ÉditorialPour un système national de santé en Suisse
Après le coup de massue des primes 2024, il faudrait poser comme base un système piloté par le haut qui puisse maîtriser l’avenir.
- par
- Eric Felley
L’État fédéral helvétique s’est construit autour d’une mise en commun des moyens pour créer des infrastructures nationales de qualité. Ainsi ont été créés une armée unique, des Chemins de fer fédéraux, un service des douanes unique, un service postal universel, un réseau autoroutier, une assurance vieillesse ou une assurance accident unique. Pourquoi ne parvient-on pas à en faire de même avec la santé à travers la LAMal?
Oublions la «caisse unique», qui a échoué deux fois dans les urnes, mais partons du principe que la Suisse se dote d’un système de santé national, qui permettrait de piloter un navire sans pilote, selon certains, ou un navire avec trop de pilotes, selon d’autres. La spirale des coûts et des primes est due à une forme d’anarchie dans un système où chaque acteur tire la couverture à soi. À la fin, c’est la faute de personne, c’est le système.
La politique c’est prévoir
La Suisse n’aime pas l’anarchie, mais c’est pourtant ce qui se passe dans la santé. Il n’y a pas de planification d’ensemble, on passe d’une année à l’autre en fonction de la consommation des soins qui ne connaît pas de limites. Les assurés sont mis devant le fait accompli en payant toujours plus. C’est bien le seul domaine, où on laisse aller les choses aller ainsi. Pourtant la politique c’est prévoir et le système aurait besoin de verticalité avec un pouvoir décisionnaire fort pour maîtriser les coûts.
Actuellement au Parlement, la politique visant à maîtriser ces coûts est un champ de mines et cela va continuer ce jeudi 28 septembre avec un deuxième paquet de mesures proposé par Alain Berset. On y parlera de l’encouragement des réseaux de soins coordonnés, de la fixation du prix des médicaments «onéreux», des factures électroniques pour le patient, de l’efficacité et de l’économicité des médicaments ou des analyses, des tarifs concurrentiels entre les hôpitaux, des adaptations pour les prestations en pharmacie, etc.
On peut déjà prédire deux ou trois heures de prises de position multiples et prudentes pour ne pas risquer d’affaiblir telle ou telle activité économique rentable. La vérité est qu’aucun des acteurs de la santé n’aime l’idée de «maîtriser les coûts», car cela signifie une baisse du chiffre d’affaires, alors que tous rêvent de le voir augmenter à la fin de l’année. Dans la santé, on trouve une pyramide de revenus qui file le vertige, surtout pour l’infirmière qui la regarde depuis en bas.
L’intérêt d’un système national de santé serait de lui donner une vision d’ensemble la plus transparente possible, avec les pouvoirs de corriger les acteurs trop gourmands, de plafonner certaines prestations ou certains revenus. L’intérêt serait surtout d’avoir un interlocuteur responsable qui puisse planifier la hausse des coûts pour les années à venir en fixant un rythme annuel de progression. Bref, en finir avec l’anarchie et la fuite en avant.