FootballOn a retrouvé le plus bel écrin du football suisse
Avec le lac et les montagnes en toile de fond, Nyon joue dans une carte postale à Colovray. Voilà qui amène un vent de fraîcheur dans un sport standardisé, souvent trop calibré.
- par
- Nicolas Jacquier
Lorsque l’on y pense, on s’aperçoit vite qu’il existe nombre de chouettes petits stades sympathiques en Suisse, lesquels exhalent un parfum enivrant faisant que l’on s’y sent bien. Chacun possède sa particularité qui le rend unique. Cela peut parfois être pour l’ambiance que les fans locaux parviennent à créer (c’est souvent le cas dans l’antique et souvent chaud Brügglifeld, où il existe une réelle communion entre le FC Aarau et son public). En d’autres circonstances, c’est pour l’atmosphère spéciale qui s’en dégage, comme à la Schützenwiese zurichoise où Winterthour cultive l’art du lien social jusque dans le choix de ses tenanciers de buvettes.
La vue que l’on peut avoir depuis les tribunes, et au-delà des limites du terrain, s’impose comme un autre facteur de délectation - citons par exemple Tourbillon où le regard peut vite s’égarer sur les sommets environnants. Sans être des chaudrons bouillonnants, la Pontaise et le Cornaredo offrent également de beaux dégagements. Autre point d’ancrage qui n’est pas toujours incompatible avec la qualité du décor, celle du spectacle proposé et de la fidélité à des couleurs. Après tout, si le public se déplace, c’est d’abord pour cela.
Mais que l’on ne s’y méprenne pas. Ici, on ne parle pas des nouveaux stades, impersonnels au possible parce que se ressemblant tous avec leur standing calibré. Raison pour laquelle le Wankdorf, Saint-Jaques, le Kybunpark ou la Tuilière, tous interchangeables pour ne citer qu’eux, n’y ont pas leur place selon nous. Non, on évoque les vraies enceintes qui possèdent encore une âme et s’inscrivent surtout dans le paysage environnant.
Le risque de s’évader
Dans ce dernier domaine, personne ne peut probablement régater cette saison avec Colovray, posé dans un décor idyllique à la sortie de Nyon en direction de Genève. Avec le lac et les montagnes de Haute-Savoie en toile de fond, la piscine juste en face. Accessoirement, on y voit aussi les bureaux de l’UEFA, installés de l’autre côté de la route de Suisse et qui plongent en direction du bleu Léman, ainsi que les avions en approche de Cointrin.
Nouveau venu en Swiss Football League après une longue éclipse de onze ans, le club de la Côte joue dans une carte postale qui lui permet d’écraser la concurrence. Face à un tel décor invitant à la rêverie, le danger pour l’observateur serait de délaisser les affaires du ballon pour voir son esprit s’évader.
À taille humaine, sans chichis
Avec sa tribune naturelle en herbe, Colovray a certes des défauts, tout n’est peut-être pas aux normes, mais c’est ce qui en fait aussi tout le charme. On y célèbre un football à taille humaine, sans chichis. Les habitués s’y retrouvent dans des buvettes qui n’ont pas encore adopté la mode du cashless (paiements électroniques) qui nous envahit partout, tandis que les VIP du coin sont accueillis dans une cantine aménagée sous une tente. Tout se fait à la bonne franquette, sans toujours correspondre au cahier des charges que la Ligue impose aux clubs, et alors? C’est là l’expression d’un temps qu’on aimerait nous faire croire révolu mais qui continue de nourrir ce que le jeu n’aurait jamais dû cesser d’être: la fête des émotions.
Assister à un match à Colovray, c’est l’assurance de vivre un bol d’air frais régénérant qui fait du bien. S’il n’a pas pleinement réussi son devoir de vacances vendredi soir, le Stade n’a pas tout perdu pour autant. Parce que oui, son stade, indépendamment de sa taille, est à nos yeux le plus beau sinon le plus dépaysant de Swiss Football League. À Colovray, on peut encore circuler librement, il n’y a pas de secteur hormis la tribune principale. Un stade qui curieusement, faut-il le rappeler, est géré et entretenu par l’UEFA voisin. Comme quoi, loin du gigantisme, il existe encore de petits bijoux…
Coups et insultes au coup de sifflet final
Ici d’ailleurs, les fans adverses ne sont pas parqués derrière des grillages. Voilà qui a dû faire tout drôle aux supporters de Xamax, installés à quelques mètres de la pelouse et dont les chants ont porté les Rouge et Noir jusqu’à une égalisation providentielle arrachée par Hautier au bout du temps additionnel (95e, 1-1). Nyon pourra maudire la perte de deux nouveaux points après ceux égarés à Thoune dans des circonstances similaires, Xamax se féliciter de n’avoir jamais renoncé. Une égalisation qui, sous le coup de la frustration des uns et du bonheur des autres, devait aussitôt provoquer des chamailleries et bousculades déplorables entre joueurs et dirigeants des deux clubs, à même le terrain, où les insultes devaient fuser dans l’excitation générale.
Allons messieurs, on se calme! Colovray ne méritait pas de tels gestes déplacés.