Jura: Du purin sur la rave party des Breuleux

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JuraDu purin sur la rave party des Breuleux

Une raveuse critique l’intervention musclée d’un maire, qu’un paysan a soutenu au volant d’un tracteur.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé

Un tonneau à purin pour interrompre une rave party? C’est aux Breuleux que cette scène de western s’est déroulée le dimanche 5 octobre. La rave qui a fait du bruit dans une clairière en fera aussi au Parlement jurassien, après l’intervention d’un député suppléant qui n’a pas fermé l’œil: «Que fait la police?», a demandé jeudi dernier Jacques-André Aubry, dans une question adressée au gouvernement.

Que s’est-il réellement passé entre les raveurs et les villageois? La police cantonale était la première à intervenir pour demander aux organisateurs de baisser le son. Une intervention «absolument sans effet», selon le maire Renaud Baume, lequel a pris les choses en mains, après le coup de fil d’un Jacques-André Aubry «assez excédé».

Il était déjà 1 h 45, ce dimanche matin (mais sans écouter son épouse qui le voyait partir au front d’un mauvais œil), le maire s’est rendu à la rave party organisée pour un anniversaire, avec une cinquantaine de participants. «La musique était extrêmement agressive: j’avais mal aux tympans», rapporte Renaud Baume.

«Ceux qui se font passer pour des animateurs sympas ne font que du business», assène le maire, en précisant que l’accès à la rave party passait par une caisse posée sur une table. «J’aurais dû chiper la caisse et distribuer son contenu aux pauvres de la commune…», se dit aujourd’hui le maire des Breuleux.

Au lieu de cela, le maire s’est rendu jusqu’à la rave party qui se déroulait 30 mètres plus loin, avec la ferme intention d’éteindre la génératrice posée sur une remorque ou de tirer les câbles des enceintes. «J’ai voulu couper le courant», admet le maire.

Ordinateur détruit

«Pour me stopper, ils ont fait barrage et m’ont sauté dessus», affirme le maire. Dans l’empoignade qui a suivi, Renaud Baume s’en est pris à la table de mixage. A-t-il donné un coup de pied? La table s’est renversée dans la cantine, ce qui a détruit un ordinateur.

Le maire est reparti sans avoir pu couper le son. «On l’entendait jusqu’au Noirmont», déplore-t-il. Après le lever du jour, tandis que la rave battait son plein, un agriculteur est intervenu avec un tonneau à purin accroché à son tracteur sans plaques. Nouvelle échauffourée: «Ils ont lancé des cailloux sur son tracteur et sont montés sur le marchepied pour s’en prendre au paysan et à son accompagnatrice. C’était très violent», rapporte le maire.

La raveuse prétend qu’il a levé la main sur quelqu’un: «Il lui a collé une gifle», dit-elle, choquée. «Ça les choque qu’on ose les contrer. J’ai 60 ans, mais j’ai fait mon boulot et je n’ai tapé personne», reprend le maire PLR, en admettant être «un peu trop têtu», limite «tête brûlée».

Sans contester l’illégalité de la manifestation, une raveuse trouve «dommage de ne pas trouver de terrain d’entente». Elle trouve «malheureux d’en être arrivé là». Réponse du maire: «J’ai des principes et je n’accepte pas des choses comme ça», dit-il en précisant qu’«Aux Breuleux, c’est comme ça!»

Jamais de problème

Pourquoi ne pas laisser la jeunesse s’amuser? «On nous considère comme étant mauvais, horribles et méchants, mais il n’y a jamais de problème entre nous, jamais de bagarre», indique la raveuse qui attribue l’échauffourée à l’intervention du maire.

«La musique nous plaît, mais c’est aussi une thérapie: on a tous des problèmes qui pèsent sur le moral», poursuit la raveuse. «J’ai passé les meilleures soirées de ma vie dans les raves», insiste-t-elle, en précisant qu’elle occupe un emploi. Si ces fêtes durent jusqu’au premier train, c’est pour éviter les incursions au village et les accidents.

C’est impossible de s’abaisser à faire ça sans stupéfiants

Renaud Baume, maire des Breuleux

«S’amuser à sautiller, raides comme des piquets à sautiller, tac-tac-tac, les yeux hagards et les bras écartés? C’est impossible de s’abaisser à faire ça sans stupéfiants. On a aussi des gamins et on plaint leurs parents: de les voir le regard perdu retourner à la gare le matin, ça fend le cœur», commente le maire.

«C’est l’affaire des visiteurs, pas des organisateurs, mais il n’y a pas davantage de drogue à une rave party que partout ailleurs», rétorque la raveuse qui a mixé de la musique. Sa contre-attaque: «Le maire était vraiment alcoolisé». «Pas du tout, je ne suis pas sorti à la fête du village avec les cliques de carnaval. Résultat: 0,0 pour mille!», assure Renaud Baume.

Protection du paysage

Le maire précise que la rave party s’est tenue en pleine zone de protection du paysage, en passant par un chemin forestier interdit à la circulation «où même les pique-niqueurs ne sont pas autorisés à passer» en voiture. C’est un endroit idyllique, avec un petit étang à la croisée de quatre chemins, au lieu-dit Neuf-Lac.

«Avant de partir, on a ramassé mégot par mégot, même dans le purin», rapporte la raveuse. «J’étais étonné en bien: la place était propre», reconnaît le maire. Ce qui lui déplaît, c’est l’absence de toilettes mobiles: «Ils ont déféqué partout autour des arbres et le bétail accède à ça», reproche Renaud Baume.

Débriefing prévu

Un débriefing est prévu la semaine prochaine entre le maire, la police et peut-être la justice, par le Ministère public. Une plainte a été déposée contre un organisateur qu’il s’agit d’identifier. Les participants peuvent être poursuivis d’office notamment pour insoumission à une décision de l’autorité, mais une rave party s’organise sans smartphone pour ne pas laisser de trace.

Le maire des Breuleux ne se fait guère d’illusion: «Ils vont recommencer pour payer l’amende…», soupire Renaud Baume. «On aime bien le Jura…», acquiesce la raveuse, en admettant que «dans leurs petits villages, le bruit peut faire peur». Faire peur et, surtout, troubler le sommeil…

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