JusticeUn banquier zurichois doit rendre des œuvres d'art à l'Égypte
Le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone a rendu cet été un jugement qui fait trembler le monde de l’art: des artefacts de valeur pourront être rendus à leur pays d’origine sans preuve qu'il s'agit d'art pillé. Un précédent lourd de conséquences – notamment pour les musées.
Il y a sept ans, le Ministère public de la Confédération a perquisitionné sur la «Goldküste» zurichoise la villa d’un banquier soupçonné de corruption et de blanchiment d’argent, relate la «SonntagsZeitung». Lors de la perquisition, les procureurs sont tombés sur des trésors inattendus: une statue en granit du dieu égyptien Amon, datant de 1400 av. J.-C., et un vase en albâtre de près d'un mètre de haut de l'Ancien Empire égyptien, âgé d'environ 4200 à 4700 ans, d’une valeur de 500'000 francs au total. La question de savoir s’il s’agissait d'art pillé s’est rapidement posée, et les enquêteurs ont informé l'Égypte de l'affaire.
En avril 2017, l'État égyptien a envoyé une note diplomatique à l'Office fédéral de la justice (OFJ) à Berne: les biens de la villa des bords du lac de Zurich ont été volés sur une tombe juste à côté des pyramides de Gizeh. L'ancien cadre de la banque Morgan Stanley – entre-temps condamné pour blanchiment d'argent qualifié – étant incapable de prouver avec certitude l’origine des œuvres d’art, le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone décide en été 2021 de renvoyer le vase d'albâtre et la statue en Égypte. Même s’il n'y a aucune preuve claire non plus que «ces objets culturels sont issus de fouilles illégales et sortis clandestinement d'Égypte».
La décision des juges de Bellizone pourrait avoir de lourdes conséquences pour le monde de l’art en Suisse. Il y a de plus en plus de cas dans lesquels des pays comme l'Égypte ou l'Italie exigent que la Suisse restitue des biens culturels, même s'il n'y a aucune preuve qu'il s'agisse d'art pillé. L'Antikenmuseum de Bâle est par exemple actuellement en conflit avec l'Italie.