Séisme en SyrieDamas et l’ONU «ont échoué à venir en aide aux Syriens»
«Nous avons été témoins de l’échec total du gouvernement et de la communauté internationale, y compris l’ONU, à diriger rapidement l'aide vitale vers les Syriens», a déclaré lundi, le président de la Commission d’enquête onusienne.
Tant le gouvernement syrien que les Nations unies ont échoué à venir en aide aux Syriens, après le séisme dévastateur du 6 février, a dénoncé lundi la Commission d’enquête internationale sur la Syrie.
«Nous avons vu de nombreux actes héroïques de la part des Syriens eux-mêmes pour venir en aide aux victimes, mais nous sommes également témoins de l’échec total du gouvernement et de la communauté internationale, y compris des Nations unies, à diriger rapidement l’aide vitale urgente vers le nord-ouest de la Syrie», a déclaré le président de la Commission, Paulo Pinheiro, présentant un nouveau rapport.
«Toutes ces parties ont une part de responsabilité», a-t-il dit, demandant une «enquête indépendante». «Ils ont échoué à obtenir un accord sur une pause immédiate des hostilités. Ils ont échoué à faciliter l’acheminement de l’aide vitale par toutes les voies disponibles», accuse la Commission, soulignant le sentiment d’abandon des Syriens.
Sanctions imposées à la Syrie
La secousse de magnitude 7,8, suivie d’une autre neuf heures plus tard de magnitude 7,6, a tué près de 46’000 personnes et fait 105’000 blessés en Turquie, selon des bilans non définitifs. Près de 6000 personnes ont aussi perdu la vie en Syrie, selon les autorités. Le séisme a démultiplié les difficultés des organisations humanitaires pour venir en aide à la population syrienne, en particulier dans la zone rebelle d’Idleb (nord-ouest).
Le pays était frappé par des sanctions internationales et les routes d’accès au seul point de passage frontalier qui était autorisé par Damas, avant le séisme, ont elles-mêmes été endommagées par le sinistre. Depuis, les Etats-Unis et l’Union européenne ont allégé les sanctions imposées à la Syrie, tandis que Damas a accepté d’autoriser l’ONU à ouvrir deux autres passages frontaliers pour aider à acheminer plus d’aide.
Agir sans attendre
La Commission, qui est mandatée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, n’est pas tendre avec les Nations unies. Le commissaire Hanny Megally a affirmé que les agences humanitaires de l’ONU auraient pu agir sans attendre l’obtention des nouveaux points de passage frontaliers.
«Une résolution du Conseil de sécurité n’est pas nécessaire lorsque vous avez des gens dans une situation désespérée. Il s’agissait d’un tremblement de terre (...) et les juristes diront que dans des circonstances exceptionnelles vous pouvez agir même si cela signifie franchir des frontières ou passer outre la souveraineté de l’Etat», a-t-il indiqué.
La Commission accuse par ailleurs le gouvernement et l’armée syrienne d’avoir «empêché l’aide transfrontalière aux communautés touchées» et le groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS), dans le nord-ouest de la Syrie, d’avoir «refusé l’aide transfrontalière en provenance de Damas». «Nous enquêtons actuellement sur plusieurs allégations, selon lesquelles des parties au conflit auraient délibérément entravé l’aide humanitaire», a souligné M. Pinheiro.
Violations des droits humains
Dans son nouveau rapport, rédigé avant le séisme, la Commission fait état de violations persistantes des droits humains et du droit humanitaire dans l’ensemble du pays au cours des six derniers mois de 2022, et notamment de la situation particulièrement épouvantable des Syriens, le long des lignes de front dans le nord et le nord-ouest.
La Commission observe aussi une détérioration de la situation des 56’600 personnes, dont la majorité sont des femmes et des enfants de moins de douze ans, détenues dans les camps de prisonniers jihadistes d’Al-Hol et Al-Roj sous administration kurde, dans le nord-est de la Syrie. «Les souffrances infligées à ces personnes peuvent être constitutifs du crime de guerre d’atteintes à la dignité de la personne», selon les enquêteurs.