CinémaPourquoi tant de haine envers la Petite Sirène?
Le classique de Disney revient en prises de vues réelles sur fond de polémiques. Le résultat, en salle ce mercredi 24 mai, est pourtant une bonne surprise.
- par
- Laurent Flückiger
La sortie d’un film comme «La petite sirène» est une aubaine pour les journalistes. Son nom est en effet prétexte à tous les jeux de mots dans les titres, le sport favori dans le milieu. Le champ lexical de l’eau étant si riche. De plus, cette version en prises de vues réelles du classique de Disney de 1989 a tout pour se lâcher. Les haters s’en prennent à son actrice principale Halle Bailey depuis 2019 déjà, arguant qu’Ariel la rousse ne peut pas être incarnée par une Afro-Américaine. Deux chansons emblématiques du long-métrage d’animation ont été modifiées dans la version live pour y inclure les notions de consentement et d’émancipation féminine. Et dernier sujet de discorde en date: le look très réaliste et plus du tout mignon de Polochon, petit poisson compagnon d’Ariel.
Ainsi, voici pêle-mêle certains titres que l’on retrouve dans les médias français: «Les studios Disney plongent La petite sirène dans un bain woke», «La petite sirène, queue c’est kitsch», «Halle Bailey surnage dans un remake Disney bien trop sage», «Une adaptation en queue de poisson». On le voit, «La petite sirène» de Rob Marshall, qui sort ce mercredi 24 mai en salle, subit un méchant coup de vent. Sauf que nous, on a trouvé le film plutôt cool.
Il faut dire qu’on partait du fond du fond. En plus du bad buzz autour du film, l’idée de retrouver encore une fois des personnages animés évoluer en chair et en os ne nous enchantait pas, après les navrants «Aladdin» et «Mulan» ou l’affreux «Pinocchio» de Zemeckis. Au final, on est déçu en bien.
Le duo Sébastien-Eurêka
Pour commencer, mention très bien à l’actrice principale. Halle Bailey, 23 ans, fait une belle sirène. Elle est joueuse et curieuse au début du film jusqu’à ce que son papa, le roi Triton (Javier Bardem), se mette en colère. Là, intervient le premier grand test pour elle: interpréter la fameuse chanson «Part of Your World» («Partir là-bas»), où elle fait l’inventaire de ses gadgets ramassés dans les épaves de bateaux. Habituée aux reprises depuis l’âge de 11 ans, Halle Bailey réussit à faire sa propre version de ce classique. Elle s’en sort pas mal aussi quand elle perd sa voix pour une bonne partie de l’histoire.
En parlant de classiques tirés de l’original animé, il y a bien sûr «Under The Sea» («Sous l’océan») entonné par Sébastien (Daveed Diggs) qui est très attendu. Réalisme oblige, le crabe ne ressemble plus du tout au musicologue de Sa Majesté de 1989. Le mouvement de ses yeux amène pourtant un effet cartoonesque qui match sur ce morceau comme lors de ses nombreuses apparitions. Il forme le duo comique du film avec le sympathique goéland Eurêka (Awkwafina). Polochon, lui, est effectivement raté. Heureusement, c’est un personnage plutôt en retrait. D’ailleurs, si on se souvient très bien de sa bonnarde bouille dans le long-métrage d’animation, sa présence n’y est pourtant pas si importante – oui, on a revu le dessin animé.
La technique «dry-for-wet»
Enfin, il y a le prince Eric. Jonah Hauer-King, 27 ans, réussit lui aussi sa partition, en comédie et en chanson, alors qu’il n’a pas la tâche facile. «La petite sirène» version 2023 fait un maximum pour que le rôle d’Ariel soit mieux équilibré au sien, quitte à faire parfois passer le prince pour un nigaud. Et contrairement à son prédécesseur animé, ce n’est plus lui qui réussit à tuer la méchante Ursula en dirigeant la proue d’un navire contre elle, mais sa sirène bien aimée! En passant, on signale qu’on a beaucoup aimé aussi Melissa McCarty en sorcière aux tentacules. On voit que l’actrice comique a dû beaucoup regarder le classique de Disney pour s’inspirer de ses postures de diva.
Et maintenant les hic. La chevelure d’Ariel pique tout de suite les yeux. Durant le tournage, pour donner l’impression que la sirène est sous l’eau, Halle Bailey était harnachée sur fond bleu, pouvant tourner et se déplacer de haut en bas. L’effet de cette technique – appelée «dry-for-wet» – est affreux sur elle, mais aussi sur papa Triton et sur ses six sœurs, qui ne sont déjà pas gâtées avec leur apparence dont même de mauvais copieurs de Barbie ne voudraient pas dans leur stock.
Comédie musicale
Et puis il y a le numérique. Le monde sous-marin l’est entièrement, contrastant avec la surface où tout est réel. Si «Avatar 2» a réussi à nous émerveiller avec toutes les scènes qui se passent sous l’eau, «La petite sirène» rate ce côté-là. Ce qui fonctionnait dans la version animée – les couleurs et les formes de la faune et la flore sous-marine – est ici totalement kitsch. Kitsch aussi est cette séquence, à la fin de «Partir là-bas», où Ariel sort de l’océan pour grimper sur un rocher alors que l’eau éclabousse son dos. Mais c’est la copie (presque) parfaite de la version animée. Elle est risible, mais au fond tellement attendue.
Il ne faut pas oublier que cette «Petite Sirène» est avant tout une comédie musicale, réalisée par celui qui a gagné cinq oscars en adaptant «Chicago» en 2002, Rob Marshall. Un genre qui a ses codes. Davantage que de débattre sur l’utilité d’un nouveau remake en live action et de savoir s’il peut égaler l’original, il faut retenir une chose: si vous n’aimez pas les comédies musicales en général, ne vous jetez pas à l’eau.