FootballRas, un buteur en quête d’un nom et d’un avenir en Suisse
Né en Tchétchénie, frère d’une vedette de MMA, Ras-Boulat Chamsoudinov (20 ans) a atterri cet été au FC Bulle. Où l’on risque vite d’arrêter d’écorcher son nom.
- par
- Florian Vaney
On est le 18 juillet et la Maladière est troublée. Qui est cet homme qui vient d’égaliser pour le FC Bulle dans ce match de préparation sans grande importance face à Xamax? Son nom n’apparaît nulle part parmi les listes officielles et personne ne semble trop le connaître. Le numéro qu’il porte sur le dos est associé à un joueur qui, du toute évidence, n’est pas lui. Même le staff de son équipe est emprunté au moment de l’identifier. «Il se nomme Ras. En tout cas, c’est comme ça qu’on l’appelle.» Ras comment? Haussement d’épaules en guise de réponse. «Juste Ras…»
En test à cette époque, Ras a depuis signé un contrat avec le club gruérien de Promotion League. Ce qui a permis à son équipe de découvrir son nom complet: Ras-Boulat Chamsoudinov. «Je ne sais pas pourquoi tout le monde m’appelle Ras ici», lance-t-il sans trop s’en formaliser. Comme raccourci sans doute. Et par affection pour un jeune homme qui détonne dans le paysage. Pas forcément encore de par son style de jeu, même si son altruisme et la souplesse de certains de ses mouvements parlent pour lui. Mais surtout pour son parcours peu commun.
La Tchétchénie, la guerre, la fuite
L’attaquant n’est pas le premier footballeur à s’expatrier pour réussir. Le faire en quittant la France pour les divisions non-professionnelles suisses, à 20 ans, rend déjà la démarche plus originale. Initialement, c’est même la 1re ligue qu’il visait. «Mon agent habite ici et m’a obtenu un essai au Vevey-Sports. Ça aurait pu mieux se passer, mais certains membres des staffs des deux clubs (Bulle et Vevey) ont de bons contacts et m’ont ouvert les portes du FC Bulle.» De l’Alsace à la Gruyère en passant par la Riviera: joli voyage. Rien à voir avec celui vécu 18 ans plus tôt.
Avant d’avoir grandi à Strasbourg, Ras-Boulat Chamsoudinov est né en Tchétchénie, aujourd’hui province russe située à la frontière avec la Géorgie. À cette période, certains indépendantistes du territoire se trouvent en guerre avec la Russie. «Mon père nous a emmenés, on a quitté le pays, on s’est installé en France. J’avais 2 ans.»
«On», c’est lui, Ras-Boulat, ses 20 ans fêtés en avril, son contrat avec le FC Bulle, un job à 100% à côté en tant que vendeur pour un concessionnaire («Je passe bientôt à 80%»), des rêves de ballon pleins la tête et le souhait de rester à bonne distance de la guerre actuelle en Russie. Mais c’est aussi son frère, son aîné, Baysangur, que tout le monde surnomme «Baki». Et tout le monde, dans son cas, ça signifie vraiment un paquet de gens.
Là où Ras-Boulat trace sa voie dans le football, Baki a pris un peu d’avance. Mais sa spécialité à lui, c’est les MMA (arts martiaux mixtes). «On a du sang de bagarreurs dans les veines. Moi, c’est sur le terrain. Lui dans une arène», sourit le cadet, en référence à sa façon de ne jamais rien lâcher sur le pré. Sur Instagram, plus de 150’000 personnes suivent Baki Chamsoudinov, qui détient, du haut de ses neuf victoires sans défaite et d’après certains sites spécialisés, le très honorifique titre de numéro 1 mondial des moins de 24 ans. «Ma mère est juste inquiète avant mes combats. Mais comme toutes les mamans le seraient…», glisse le combattant dans la vidéo ci-dessus.
Son frère, lui, s’inspire plus qu’il ne s’inquiète. Baki a déjà rejoint le rang des sportifs qui vivent de leur discipline. Le tour de Ras-Boulat viendra peut-être. «Il a tout pour lui. Il est très polyvalent. Il n’est pas numéro 1 à son poste chez nous, mais pas numéro 2 non plus. Disons qu’il est numéro 1,5», sourit Mouloud Mekaoui, entraîneur assistant au FC Bulle, ancien junior de l’AS Saint-Étienne et joueur professionnel en France.
Un autre bon exemple à suivre. Pour gravir les échelons. Et s’assurer qu’un jour, lorsqu’on parle de Ras, tout le monde sache de qui il s’agit.