DiplomatieVote à l’ONU pour durcir les sanctions contre la Corée du Nord
Washington, qui préside le Conseil de sécurité de l’ONU jusqu’à la fin du mois, propose de durcir les sanctions à l’encontre de la Corée du Nord.
Le Conseil de sécurité de l’ONU est appelé à voter jeudi, à la demande de Washington, une résolution durcissant les sanctions internationales contre la Corée du Nord, malgré le risque, sauf possible nouvelle initiative de Pyongyang, d’un veto de la Chine et de la Russie.
Président en exercice du Conseil de sécurité en mai et en conséquence maître de son agenda, les États-Unis ont prévu le vote en fin d’après-midi. Face à une série d’essais de missiles balistiques nord-coréens depuis janvier, dont probablement son plus gros missile intercontinental tiré mercredi, Washington a élaboré un projet de résolution qui prévoit notamment une nouvelle réduction des importations de pétrole par Pyongyang.
Selon un haut responsable américain, une résolution de 2017 du Conseil de sécurité, adoptée alors à l’unanimité, appelait à des sanctions supplémentaires pour la Corée du Nord en cas de tir de missile balistique intercontinental et Washington entend faire appliquer cette disposition.
Tabac et cyber-activités
«C’était l’une des conditions de cette résolution. C’est exactement ce qui s’est produit et c’est pourquoi nous pensons qu’il est désormais temps d’agir», a-t-il affirmé, alors que Washington a récemment mis en garde contre l’imminence d’un nouvel essai nucléaire nord-coréen. Selon un diplomate s’exprimant sous couvert de l’anonymat, Pékin pourrait adopter de nouvelles sanctions en cas d’expérimentation nucléaire. Mais pas pour des essais de missiles, selon lui.
«Nous ne pensons pas que la résolution américaine puisse résoudre un quelconque problème», a indiqué à l’AFP un porte-parole de la mission chinoise à l’ONU. La Chine a proposé une déclaration du Conseil sur la Corée du Nord mais cette suggestion «est tombée dans l’oreille d’un sourd aux États-Unis», a-t-il déploré. Les États-Unis «savent quel est le meilleur moyen pour une désescalade mais ils s’y refusent tout simplement», a estimé ce porte-parole.
Le projet de texte américain prévoit de réduire de quatre à trois millions de barils (525’000 tonnes à 393’750 tonnes) la quantité de pétrole brut que la Corée du Nord serait autorisée à importer chaque année. L’importation de pétrole raffiné, limitée à 500’000 barils par an passerait à 375’000 barils (ou 46’875 tonnes).
Le texte interdirait également les exportations nord-coréennes de combustibles minéraux et d’horloges, et toute vente ou transfert à Pyongyang de tabac et de produits dérivés. Il empêcherait également la fourniture à la Corée du Nord de moyens d’information et de communication, afin de lutter contre les cyber-activités développées ces dernières années par Pyongyang pour contourner les sanctions internationales.
«Prolifération nucléaire»
Interrogé sur un possible veto de la Chine et la Russie, le haut responsable américain s’est borné à affirmer: «Nous pensons que cette résolution sera fortement soutenue car c’est une question à l’importance profonde pour nous, évidemment, et pour nos alliés du Japon et de Corée du Sud».
Pour un ambassadeur membre du Conseil de sécurité, s’exprimant sous couvert d’anonymat, alourdir les sanctions sur la seule base des expérimentations balistiques ne devrait pas être accepté par Pékin. Et s’il y a veto, cela aura des conséquences négatives, juge-t-il.
Pyongyang «fait des progrès dans son programme balistique, continue à développer ses activités nucléaires proliférantes et violer les résolutions du Conseil de sécurité». Mais «une division du Conseil de sécurité sur cette crise serait mauvaise», ajoute-t-il en rappelant qu’il s’agit d’une question cruciale de «prolifération nucléaire».
«Nous devrions accorder la priorité à l’unité des cinq États nucléaires» du Conseil de sécurité (États-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni et France) «sur cette question». «Si le projet est rejeté, ce sera une bonne nouvelle pour le jeune dirigeant de la Corée du Nord et nous serons alors dans une position difficile pour (…) maintenir la pression en faveur d’un régime de sanctions qui fonctionne», a-t-il insisté.
Volée de missiles
Dans le passé, la Corée du Nord a mené six essais nucléaires sanctionnés notamment en 2017 par une triple série de lourdes sanctions économiques, adoptées à l’unanimité par le Conseil de sécurité. Depuis, ce Conseil n’a jamais réussi à retrouver son unité sur ce dossier.
La Chine et la Russie ayant même été jusqu’à élaborer un projet de résolution allégeant les sanctions contre Pyongyang à titre humanitaire. Si la Corée du Nord a développé son armement balistique et dispose de plusieurs bombes nucléaires, elle n’est pas encore parvenue, selon des diplomates, à associer les deux technologies.
Les tirs de missiles nord-coréens mercredi sont survenus quelques heures après le départ de la région du président américain Joe Biden, venu en Asie pour réaffirmer son soutien à Séoul et Tokyo face à la menace nucléaire de Pyongyang.