La guerre en Ukraine et Poutine racontés en BD

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Un an aprèsLa guerre en Ukraine et Poutine racontés en BD

Ceux qui vivent le conflit le racontent dans «Journal d’une invasion» tandis qu’un expert américain de la Russie dresse un glaçant portrait du président russe.

Michel Pralong
par
Michel Pralong

La bande-annonce de «Journal d’une invasion».

Futuropolis/Igort

«Une guerre n’est jamais qu’une saloperie de guerre. Il n’y a pas d’épopée, pas de gloire, que de la misère». C’est par cette phrase que s’ouvre et se clôt «Journal d’une invasion». Son auteur, Igort, est italien. C’est son nom d’artiste., car il s’appelle Igor, un prénom russe, ses parents étant des amoureux de la culture russe. Lui, c’est d’une Ukrainienne dont il est tombé amoureux et qu’il a épousée. Ils ont vécu un temps en Ukraine mais sont maintenant en Italie, tout en ayant gardé de la famille et des amis là-bas.

Le 24 février 2022, évidemment, le téléphone a beaucoup sonné. Les Russes envahissaient le pays. Alors Igort a décidé de raconter ce qui se passait là-bas en mettant en images les témoignages qu’il recueillait. Au jour le jour. Et cela se confirme, une guerre n’est qu’une saloperie de guerre. Il raconte des gestes du quotidien, qui sont devenus si compliqués, des fuites, longues et incertaines, des désertions de soldats russes ou, simplement, le temps qu’il faut pour aller chercher des ingrédients pour faire un bortsch.

«Nous libérer? De quoi?»

Igort ne cache pas non plus les côtés sombres de l’Ukraine, avec son sinistre bataillon Azov. Mais qui ne justifie en rien l’explication de Poutine d’une opération pour libérer le pays des nazis. Surtout avec l’aide des troupes de Wagner, dont les références au régime hitlérien ne manquent pas. Et quand un soldat russe dit à une femme ukrainienne: «Nous sommes venus vous libérer». Elle lui répond: «De quoi?».

Ce qui transpire de ce livre, c’est la peur, la douleur, la tristesse. Mais aussi cet espoir que ce conflit aura une fin qui ne sera pas celle rêvée par le président russe: «Le monde est libre monsieur Poutine, quoi que vous et votre cour en pensiez», conclut l’auteur.

«Journal d’une invasion», par Igort, Éd. Futuropolis, 168 pages

«Journal d’une invasion», par Igort, Éd. Futuropolis, 168 pages

Poutine l’improvisateur imprévisible

Poutine est-il cet homme machiavélique et froid, à l’intelligence affûtée, ce surhomme tel qu’il aime se mettre en scène? Ce n’est pas le portrait qu’en dresse Andrew S. Weiss dans «Tsar par accident». Spécialiste de la Russie auprès de plusieurs présidents américains, l’homme était dans le bureau de Bill Clinton lorsque les Russes ont informé ce dernier en août 1999 que le prochain président serait un dénommé Vladimir Poutine. Surprise générale!

Les Américains le connaissaient mais n’auraient jamais pensé que cet homme issu des services secrets pouvait succéder à Eltsine. Mais le pouvoir russe avait lancé une sorte de sondage pour voir qui aurait le profil idéal, et il s’est avéré que c’était un acteur ayant joué à la télé un espion dans un feuilleton ultrapopulaire. Et Poutine fut choisi.

Terrifié par la révolte populaire

Ce livre montre comment ce jeune homme bagarreur, plus motivé que compétent, est parvenu souvent par opportunisme, parfois par chance, mais aussi en s’alliant avec la mafia de Saint-Pétersbourg à se hisser jusqu’à la plus haute marche du pouvoir. Il explique également que celui qui était en place pour le KGB à Dresde a vu un peuple se soulever et faire tomber le régime est-allemand, ce qui restera l’une de ses plus grandes terreurs: la révolte populaire.

La description faite par Weiss montre que les obsessions de Poutine sur l’homosexualité ou la pédophilie dont ils accusent les Occidentaux ne datent pas d’hier. Tout comme sa volonté de contrôler l’Ukraine. L’auteur rappelle également les multiples moyens mis en œuvre pour déstabiliser les démocraties occidentales, notamment en favorisant la montée en puissance des populistes comme le Rassemblement national en France et, bien sûr, Donald Trump aux États-Unis.

Ce livre, illustré par le dessin très simple mais efficace de Brian «Box» Brown est évidemment une vision très américaine, qui a tendance à minimiser les erreurs des États-Unis dans ce processus. Mais il a le mérite de dresser un portrait bien plus contrasté de Poutine que ce que l’on a l’habitude de voir. Et surtout, il explique que dans le système russe, si vous n’êtes pas au sommet de la pyramide, vous perdez tout. Ce qui fait craindre que Poutine fasse tout pour aller jusqu’au bout, dans la guerre et pour rester au pouvoir. «Poutine n’a jamais été le stratège qu’il a prétendu être. C’est un improvisateur pris dans son propre piège», conclut l’auteur.

«Tsar par accident», d’Andrew S. Weiss et Brian «Box» Brown, Éd. rue de Sèvres, 260 pages

«Tsar par accident», d’Andrew S. Weiss et Brian «Box» Brown, Éd. rue de Sèvres, 260 pages

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