FootballPour rester deuxième, Servette a besoin de constance
Les Grenat s’égarent trop facilement. Gros plan sur un problème avant le derby à Sion, ce samedi soir (20 h 30).
- par
- Daniel Visentini
S’il était plus constant, s’il savait négocier ses temps forts et ses temps faibles avec plus de justesse, Servette serait l’incontestable dauphin d’YB au classement avec bien plus que quatre points d’avance sur le troisième et il serait en plus en finale de Coupe. Si… Il faut toujours se méfier des hypothèses. La réalité de Servette, c’est justement, comme toutes les équipes à part Young Boys, cette inconstance crasse, qui érode les saillies, qui renvoie les Grenat comme les autres à leurs propres limites. Une fatalité?
À quelques heures du derby à Tourbillon, contre Sion, les Servettiens cherchent toujours à agripper des certitudes qui leur filent entre les doigts. La maison grenat n’est pas construite sur du sable, elle est solide de plusieurs assurances, fussent-elles parfois hésitantes. Sinon, les Grenat ne seraient pas deuxièmes au classement. Mais en cinq jours, ils ont montré le meilleur et le pire, ils ont mélangé dans le contenu même de leurs prestations, tout ce qui les porte en haut et tout ce qui les tire vers le bas.
Le meilleur et le pire
Étranglé par YB samedi passé, mené au score, Servette a convoqué des ressources insoupçonnables pour renverser le match. Cohérent, récompensés par un but, dominateur contre Lugano mercredi en demi-finale de Coupe, Servette s’est soudain effacé après 30 minutes pour offrir deux buts aux Tessinois. Il aura fallu la magie d’une ultime seconde, à la 96e minute, pour rallumer des espoirs douchés aux tirs au but, finalement.
On pourrait aussi évoquer le match de reprise de 2023, justement contre le FC Sion. Un Servette maître des lieux, qui marque deux buts, des Valaisans fantomatiques. Et Pflücke qui rate invraisemblablement le 3-0 (cage vide). Une vilaine habitude chez l’Allemand, comme on a pu le vérifier à plusieurs reprises et même en demi-finale de Coupe, durant les prolongations. Mais un Servette qui menait face à un Sion réduit à dix avant la pause (expulsion de Cyprien). Et tout qui s’écroule alors, deux buts gag, deux cadeaux, Servette qui «perd» 2-2.
Un vilain tropisme
Il ne faut sans doute pas résumer l’histoire de Servette à ses limites existentielles. Il y a bien des qualités qui façonnent ce groupe. Mais elles se diluent trop souvent dans une forme de fragilité chronique. À croire que quand Servette marque, il est en danger. Par crispation, par fébrilité, par naïveté? C’est notamment l’histoire des matches à Lugano, à Zurich, ou contre Winterthour, avec l’ouverture du score servettienne et dans les minutes qui suivent, l’égalisation concédée.
«C’est le manque de constance, oui, c’est vrai, relève Alain Geiger. Il manque sûrement un régisseur au milieu, quelqu’un capable de tenir l’équipe dans les moments de flottement. C’est ce que j’avais un peu avec Douline, mais il est blessé. C’est ce qu’a Lugano, avec Doumbia et Sabbatini.»
Responsabilités communes
Dans son 4-2-3-1 de ces derniers matches ou même dans le 4-3-3 qui existe aussi, Servette cherche toujours un équilibre qui le fuit. C’est sans doute le travail de Geiger de dégager des schémas clairs. Plus clairs en tout cas que ces périodes de flottement. C’est aussi à lui de réagir, activement, quand il faut corriger quelque chose qui ne fonctionne pas.
Mais ce n’est tout de même pas lui qui est sur le terrain quand subitement, alors qu’il y a 1-0 contre Lugano, Servette se lance à six en attaque, laissant un trou béant au milieu. Ce n’est pas lui non plus qui fait le mauvais choix en s’empalant sur la défense luganaise, mais Kutesa. Emporté par l’élan de son but peu avant? «J’en ai parlé avec lui, puisque c’est déjà arrivé quelques fois, il doit comprendre certaines choses, mais il a beaucoup de qualités», précise l’entraîneur. Ce n’est pas Geiger qui manque de présence dans l’axe, mais Antunes ou Cespedes. Ce n’est pas lui qui rate si souvent l’immanquable, mais Pflücke, par exemple.
Observer l’inconstance de Servette, c’est renvoyer chacun devant ses responsabilités. L’entraîneur, bien sûr, mais aussi les joueurs. C’est aussi rappeler que le banc servettien n’est pas celui d’YB. Contre Sion, manqueront à l’appel Antunes et Cespedes, suspendus, ainsi que Douline (commotion il y a trois semaines à l’entraînement avec perte de connaissance dont il souffre encore), Rodelin (touché au mollet à échauffement contre Lugano), Diallo et Magnin, blessés. Seuls Camara et Sawadogo intègrent le groupe. Théo Valls, en fin de contrat en juin, n’a reçu aucune proposition de prolongation et s’est fait une raison, mais il commencera le match au milieu. Le Français peut faire du bien.
Récupération et ambition
Avec les 120 minutes de Coupe dans les jambes, les Grenat ont surtout axé la préparation du derby sur la récupération. «Nous serons sans doute moins frais que Sion, oui, dit Geiger. Mais cela n’interdit pas les ambitions de faire un résultat, de gagner à Tourbillon.» Avec l’idée d’une revanche après le 2-2 offert aux Valaisans le 29 janvier? «Avec l’idée de continuer sur ce que nous avions montré de bien avant de lâcher ce match, lance le technicien. Nous sommes deuxièmes au classement, nous voulons le rester. C’est cela que l’on doit montrer, que l’on doit faire ressentir à l’adversaire. Je veux voir cette force en nous.»
Cette force, c’est ce qui s’approche le plus d’une forme de constance. Pour rester deuxième au classement, Servette en aura besoin. C’est la dernière mission d’Alain Geiger à la tête du club. C’est aussi celle de ses joueurs.