Brésil«Copacabana est triste, la violence est vraiment forte»
Le quartier de Rio de Janeiro voit son image ternie par une hausse de la criminalité. Et les groupes d’autodéfense créés par des habitants commettent souvent des dérapages.
La carte postale est lacérée: Copacabana, quartier de Rio de Janeiro légendaire pour sa plage interminable et son charme nostalgique, voit son image ternie par une vague de criminalité et l’apparition de justiciers autoproclamés.
Avec ses kiosques de plage et ses longues rues arborées aux gratte-ciel Art déco décatis, le quartier bourgeois a fait les gros titres, ces dernières semaines, pour de bien mauvaises raisons: un étudiant venu à Rio pour un concert de Taylor Swift tué à coups de couteau sur la plage, un homme laissé inconscient après une agression, une jeune femme violée par un sans-abri.
«Copacabana est triste», lâche Thiago Nogueira, un commerçant de 42 ans, vêtu d’un maillot noir flanqué des mots «Rio de Janeiro». «La violence est vraiment forte, et ça empire…»
Inquiétude à l’approche de la fin de l’année et du carnaval
Les derniers faits divers ont donné à beaucoup le sentiment qu’un cap avait été franchi à «Copa» et alimenté l’inquiétude alors qu’approche la haute saison, qui amène des flots de touristes du monde entier pour les fêtes de fin d’année et le carnaval, en février.
Cette poussée de violence a engendré un phénomène nouveau: l’apparition de groupes d’autodéfense, justiciers autoproclamés munis de battes et de poings américains. Sur des vidéos devenues virales, on voit des bandes de jeunes hommes vêtus de noir, visage masqué, patrouillant dans la rue et bastonnant de présumés «suspects». Dans un Brésil profondément marqué par les discriminations, les cibles de ces prétendus redresseurs de torts leur ont valu des accusations de «racisme».
«Il est facile de savoir qui est un «criminel» pour ces groupes d’autodéfense: des hommes noirs pauvres», s’indigne le musicien et militant de la cause noire Tas MC sur X, anciennement Twitter.
Rio a une longue histoire de violence et de réponse violente à la violence. Il y a cinq ans, le président d’alors, Michel Temer, avait déployé l’armée pour prendre en charge la sécurité dans la mégapole pendant dix mois, jugeant que le crime organisé avait pris les dimensions d’un «cancer» à Rio.
Braquages et vols en forte hausse
La «Cité merveilleuse», ville hôte des Jeux olympiques de 2016, est régulièrement le théâtre de batailles rangées entre trafiquants de drogue lourdement armés et police, en particulier dans les favelas. Enfin, elle est gangrenée depuis plus de vingt ans par les «milices», créées par des habitants pour combattre la délinquance dans leur quartier, et vite devenues elles-mêmes d’authentiques organisations criminelles.
Les braquages à Copacabana ont augmenté de 25% cette année, par rapport à la même période de l’année dernière, et les vols de passants en pleine rue ont bondi de 56%, selon les chiffres de l’Institut public de sécurité, cités par le site d’information G1.
Ne pas «jouer les justiciers»
Face à cette flambée, les autorités ont annoncé le déploiement de 1000 policiers et d’un «cordon de sécurité» pour protéger nuits et week-ends. À l’occasion d’une réunion de crise, jeudi, les chefs de la sécurité de Rio ont promis de rendre la police plus présente et plus visible. Ils ont également mis en garde les résidents contre toute velléité de jouer les justiciers en lieu et place de la police.
«Les membres des groupes d’autodéfense commettent des crimes en prétendant empêcher des crimes. En réalité, ce sont des criminels eux aussi», a asséné Victor Santos, le secrétaire à la Sécurité de l’État de Rio.
Souvent des récidivistes
L’exaspération des habitants est aussi nourrie par le profil des auteurs d’agressions, souvent des récidivistes, et en vient parfois à viser le fonctionnement même de la justice. L’agresseur qui avait laissé un homme inconscient sur le trottoir, après l’avoir roué de coups le 2 décembre, était «bien connu des autorités, avec neuf entrées à son casier judiciaire», a reconnu une enquêtrice.