Commerce équitableLa face sombre du chocolat «durable» dans le monde
Selon une évaluation internationale relayée par le WWF, la culture du cacao reste entachée de nombreux problèmes environnementaux et humains. Grande consommatrice, la Suisse est concernée.
- par
- Eric Felley
«Le cacao est, à l’échelle planétaire, l’une des principales causes de destruction des forêts, et donc un moteur important des crises du climat et de la perte de biodiversité». Dans un communiqué diffusé lundi, le WWF se fait l’écho d’un rapport sur la «durabilité» de la production de cacao à l’échelle planétaire. La «Chocolate Scorecard 2023» est une étude qui évalue 72 fabricants de chocolat du monde entier sur la base de différents critères «comme la déforestation, les violations des droits humains ou la transparence».
Cette étude arrive à la conclusion que seulement 11% des entreprises actives dans le secteur du chocolat «sont en mesure de retracer entièrement l’origine du cacao qu’elles utilisent. Dans ces conditions, elles ne devraient pas être autorisées à brandir l’étiquette «durable», ce qu’elles sont pourtant nombreuses à faire».
Le travail des enfants
Le cacao est l’une des principales causes de la déforestation en particulier en Afrique de l’Ouest, où se trouvent les trois quarts de la production mondiale: «La Côte d’Ivoire et le Ghana, ont perdu la majeure partie de leurs forêts ces 60 dernières années, note le WWF, environ 94% en Côte d’Ivoire et 80% au Ghana. Un tiers de ces pertes étant dues à la culture du cacao». L’étude met également en évidence la rémunération insuffisante des personnes travaillant dans ce secteur et l’omniprésence du travail des enfants. Selon un rapport commandé par le ministère américain du travail en 2020: «1,5 million d’enfants travaillaient dans la production de cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana, et 95% de ces enfants étaient exposés aux pires formes du travail en raison de sa dangerosité».
La Suisse dans la moyenne
Dans cette évaluation la Suisse s’en tire dans la moyenne: «Parmi les producteurs et commerçants de détail suisses examinés, observe le WWF, Halba obtient le meilleur résultat. Coop, Barry Callebaut, Lindt & Sprüngli, Mondelēz International avec Toblerone et Unilever se situent dans la moyenne».
Enfin, d’après un autre rapport du WWF intitulé «Déforestation importée»: «La Suisse importe plus de la moitié (54%) de ses produits à base de cacao de pays où le risque de déforestation, de mauvaises conditions de travail et de corruption est élevé. En Côte d’Ivoire, en Équateur, au Nigeria, au Pérou, en Indonésie et à Madagascar, ces problèmes font partie intégrante de la production de cacao».
95 000 tonnes par année
Et la Suisse est un gros consommateur: «Son empreinte écologique dans le secteur du cacao représente 3% de l’empreinte mondiale, ce qui est très élevé en regard de la part de notre pays à la population mondiale (0,1%)». Entre 2015 et 2019, la Suisse a importé en moyenne annuelle plus de 95’000 tonnes de cacao: «La surface estimée qui doit être mise à disposition pour satisfaire la demande de cacao de la Suisse s’est montée, durant la même période, à plus de 300’000 hectares en moyenne par an», conclut le WWF.