ChypreDes forces chypriotes-turques s’en prennent aux Casques bleus
La mission de l’ONU à Chypre a indiqué vendredi que des Casques bleus avaient été attaqués en tentant de bloquer «des travaux de construction non autorisés» près de Pyla.
Des forces chypriotes turques s’en sont prises vendredi à des Casques bleus de l’ONU qui tentaient de bloquer la construction d’une route controversée dans la zone tampon divisant Chypre, a indiqué la mission de l’ONU sur l’île, entraînant des condamnations internationales.
L’incident s’est produit à Pyla (Pile en turc), le seul village où vivent côte à côte des Chypriotes-grecs et turcs, sur la Ligne verte surveillée par l’ONU qui divise l’île entre la République de Chypre, membre de l’Union européenne et exerçant son autorité au sud, et la République turque de Chypre-Nord (RTCN), autoproclamée et reconnue uniquement par la Turquie qui a envahi le tiers nord de l’île en 1974.
Des images vidéo largement partagées sur les réseaux sociaux montrent des bulldozers écartant des véhicules de l’ONU, des barrières de ciment ainsi que des barbelés alors qu’un groupe de policiers chypriotes-turcs repousse des Casques bleus. L’AFP n’était pas en mesure dans l’immédiat de vérifier ces images de manière indépendante.
La mission de l’ONU a indiqué que les Casques bleus avaient été attaqués en tentant de bloquer «des travaux de construction non autorisés» près de Pyla. «La Force de maintien de la paix des Nations unies à Chypre (Unficyp) condamne les agressions contre les Casques bleus et les dommages causés aux véhicules de l’ONU par du personnel de la partie chypriote turque ce matin», a déclaré l’Unficyp dans un communiqué.
Faits accomplis
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a dénoncé des faits «inacceptables» qui «pourraient constituer de graves crimes au regard du droit international», selon un communiqué de son porte-parole à New York. Il demande aux autorités turques de «respecter» l’autorité de l’Unficyp et se retirer «immédiatement» de la zone tampon.
La République de Chypre a dénoncé «des incidents organisés causés par les forces d’occupation turques (…) ainsi que l’attaque inacceptable contre des membres britanniques et slovaques de la force de maintien de la paix de l’ONU».
L’UE a également condamné l’incident, ainsi que le Royaume-Uni, la France et les États-Unis qui ont exprimé dans un communiqué conjoint leur «grande inquiétude face au lancement de la construction non autorisée» de la route. La ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna a fait part à son homologue turc Hakan Fidan de la «vive inquiétude» de la France lors d’un entretien téléphonique.
Affirmations «infondées»
Les autorités chypriotes-turques ont dénoncé des affirmations «infondées» de l’ONU. «Nous attendons de l’Unficyp (…) qu’elle revoie sa position biaisée et qu’elle mette immédiatement fin à ses ingérences physiques et à ses efforts de blocage» des travaux, a réagi la RTCN dans un communiqué.
Un tracteur a été utilisé pour écarter un véhicule de l’ONU et d’importants dégâts ont été causés à trois véhicules, a déclaré pour sa part un responsable qui a parlé à l’AFP sous couvert d’anonymat. Des policiers et des militaires chypriotes-turcs en civil ont frappé un Casque bleu et agressé une douzaine d’autres en les «poussant violemment», a-t-il ajouté.
Dans son communiqué, la mission de l’ONU a exhorté la partie chypriote turque à «respecter l’autorité mandatée par la mission à l’intérieur de la zone tampon des Nations unies, à s’abstenir de toute action susceptible d’aggraver davantage les tensions et à retirer immédiatement tout le personnel et les machines de la zone tampon».
«Objectif humanitaire»
Le porte-parole du gouvernement de la République de Chypre Konstantinos Letymbiotis a accusé la partie chypriote turque d’essayer de créer de nouveaux «faits accomplis» à Pyla, en construisant une route reliant le «village occupé d’Arsos à un avant-poste militaire illégal». Il a dénoncé «une tentative de violation très grave du statu quo».
Les autorités chypriotes turques ont indiqué que le projet avait «un objectif entièrement humanitaire» pour «faciliter l’accès au territoire de la RTNC de nos citoyens vivant dans le village de Pile». Malgré cela, les Casques bleus ont «agressé physiquement (…) nos équipes de construction et notre police, présente dans le secteur uniquement pour assurer la sécurité. Cette attitude de l’Unficyp est inacceptable», ajoute cette source.
Les efforts visant à réunifier l’île divisée sont au point mort depuis l’échec du dernier cycle de pourparlers soutenus par l’ONU en 2017. Le dirigeant chypriote turc Ersin Tatar, un protégé du président turc Recep Tayyip Erdogan, a exhorté la communauté internationale à «reconnaître l’existence» de deux États sur l’île. Ses appels à une solution à deux États ont été rejetés par les Chypriotes grecs, majoritaires. La République de Chypre et la communauté internationale sont favorables à une fédération bicommunautaire et bizonale.