Guerre en Ukraine  – A Boutcha, des habitants reviennent après le départ des «salopards» 

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Guerre en UkraineÀ Boutcha, des habitants reviennent après le départ des «salopards»

Après le départ des forces russes, des Ukrainiens reviennent dans la ville de Boutcha, où les images de cadavres dans les rues ont suscité une indignation internationale.

Les forces russes sont accusées d’avoir commis des exactions contre la population de Boutcha (photo du 6 avril 2022).

Les forces russes sont accusées d’avoir commis des exactions contre la population de Boutcha (photo du 6 avril 2022). 

REUTERS

Hanna Predko avait fui Boutcha, bombardée puis occupée un mois par des soldats russes, accusés d’y avoir commis des exactions. Jeudi, elle est revenue chez elle, «heureuse» que l’armée ukrainienne ait «chassé ces salopards». Avec ses trois enfants, elle a quitté la ville dès les premiers bombardements, le 24 février. Elle s’est réfugiée dans l’ouest du pays, épargné par la guerre. 

Sa mère, Natalia Predko, 69 ans, l’y a rejoint le 11 mars, profitant d’une opération d’évacuation de civils, alors que Boutcha était occupée par les soldats de Moscou. La sexagénaire laissait là son mari, qui n’a jamais voulu partir de chez lui. Les combats autour de la localité n’ont jamais totalement cessé et fin mars, les troupes russes se sont retirées de la ville. Des dizaines de cadavres de civils y ont été découverts, le week-end dernier, dont certains avaient les mains liées dans le dos.

Aide alimentaire

«Nous sommes très heureux que nos forces armées aient réussi à chasser ces salopards», s’exclame Hanna. «Maintenant, tout le monde connaît cet endroit, malheureusement pour un prix énorme», ajoute la jeune femme de 31 ans.

Elle est venue en début d’après-midi avec sa mère devant la mairie de Boutcha, le coffre de sa voiture rempli de nourriture pour les donner à des habitants. Perché dans la nacelle d’une camionnette, un agent de la municipalité vient juste de remettre le drapeau ukrainien sur le toit de la mairie, pour la première fois depuis l’occupation de la ville par les soldats de Moscou.

«La ville est en ruine»

«Je suis très très heureuse d’être revenue et de voir notre drapeau national, après la libération de notre ville par l’armée ukrainienne. Gloire à l’Ukraine!», s’exclame Natalia, en regardant l’étendard bleu et jaune claquer au vent. Elle est aussi heureuse d’avoir retrouvé son mari sain et sauf. Vont-elles continuer à vivre à Boutcha ? Pour sa fille, c’est une évidence: «Nous prévoyons de rester ici.»

Un employé à hissé le drapeau ukrainien au-dessus de la mairie de Boutcha, jeudi.

Un employé à hissé le drapeau ukrainien au-dessus de la mairie de Boutcha, jeudi. 

AFP

«Beaucoup de mes amis vivent à l’étranger, nous avons été invités et il y avait des possibilités de partir. Mais nous avons décidé de revenir, même si la ville est en ruine», explique la jeune femme.

Dans un petit square devant la mairie, une distribution de biens alimentaires est organisée par des jeunes bénévoles. Plusieurs dizaines d’habitants défilent, principalement des personnes âgées, couverts comme en plein hiver malgré la douceur printanière. Ils repartent le pas lent, tirant un caddie à roulettes ou portant des sacs plastique remplis de vivres.

«Les Russes ont tout volé dans la maison» 

Sous le doux soleil, Boris Biguik a lui décidé de prendre son vélo pour venir à Boutcha voir la maison de son fils, policier dans la région et absent quand la ville a été prise. Boris, 63 ans, habite à côté, dans la localité mitoyenne de Vorzel. «Le couvre-feu a pris fin aujourd’hui. J’ai donc décidé de venir réparer le portail de la maison de notre fils, car ses voisins ont dit qu’il était cassé. Les Russes ont tout volé dans la maison, brisé les portes et les fenêtres», dit-il.

«J’avais peur d’aller à l’intérieur car cela pouvait être piégé. On peut tout attendre de ces «fascistes», nous les avons vus!», assure le retraité, ancien officier supérieur dans la police. 

«Ils ont tout pillé» 

A Vorzel, les soldats étaient là aussi et sont restés un mois, comme à Boutcha. Le policier retraité, qui habite Kiev en temps normal, était à Vorzel avec sa femme dans leur maison secondaire pour se reposer après une opération. Convalescent, «je ne pouvais pas me battre», explique-t-il. 

Surpris par les bombardements, ils n’ont pas pu retourner à Kiev et sont restés à Vorzel. Boris raconte que le fils de leur voisine a été tué un soir, «car des Russes équipés de caméras thermiques ont lancé des grenades à partir de drones sur tous ceux qui sortaient dehors.» Il y a une semaine, quand les soldats russes se sont retirés de la région, «ils ont emporté tout ce qu’ils pouvaient avec eux. Ils ont tout pillé, leurs véhicules blindés débordaient d’affaires volées», dit-il, en remontant sur son vélo pour quitter Boutcha.

«La justice doit être rendue»

Devant une fosse commune creusée par les Ukrainiens, où des corps apparaissent encore à demi-enterrés, attenante à une église blanche aux dômes dorés, l’archevêque Sviatoslav Chevtchouk, chef de l’Eglise gréco-catholique ukrainienne, dit une prière et se recueille. «Nous avons vu le génocide du peuple ukrainien ici», dit-il à l’AFP. «Nous prions parce que le juge le plus important est Dieu tout-puissant, mais la justice doit être rendue même ici. Sinon, si nous ne condamnons pas un tel crime, ce crime sera répété.»

(AFP)

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