États-UnisLa discrimination positive dans les universités devant la Cour suprême
La plus haute juridiction américaine se penche lundi sur un mécanisme qui oblige les unis de Harvard et de Caroline du Nord à respecter des critères ethniques pour choisir leurs étudiants.
Après l’avortement ou les armes à feu, la Cour suprême des États-Unis s’attaque lundi à la question raciale, tout aussi clivante, en se penchant sur les politiques dites de «discrimination positive» dans les universités. La haute juridiction, solidement ancrée dans le conservatisme, semble prête à effectuer un demi-tour historique, comme elle l’a fait en juin en annulant son arrêt «Roe v. Wade», qui garantissait le droit des Américaines à avorter.
Concrètement, les neuf sages de la Cour suprême examineront pendant deux heures les mécanismes de sélection au sein des universités de Harvard et de Caroline du Nord. Ces universités, comme beaucoup d’autres aux États-Unis, prennent en compte des critères ethniques pour assurer la diversité de leurs étudiants et corriger la sous-représentation des jeunes noirs et hispaniques.
Des étudiants blancs se disent pénalisés
Ces programmes dits de «discrimination positive», mis en place à la fin des années 1960, «visent à corriger les inégalités systémiques héritées du passé», a souligné Yasmin Cader, de la puissante organisation des droits civiques ACLU, lors d’une récente conférence de presse. Ils ont toujours fait l’objet de vives contestations à droite. Des étudiants blancs, se disant victimes de «discrimination inversée», ont régulièrement porté plainte contre ces mécanismes jugés opaques et inefficaces par leurs détracteurs.
Neuf États les ont déjà interdits, notamment la Californie, mais jusqu’ici, la Cour suprême les a toujours validés. L’association Students for Fair admission, créée par Edward Blum, un militant néoconservateur, a donc pris un nouvel angle d’attaque. En 2014, elle a introduit deux plaintes pour dénoncer une «discrimination» des étudiants d’origine asiatique à Harvard et à l’Université de Caroline du Nord. Ces étudiants sont proportionnellement sous-représentés dans ces établissements compte tenu de leurs résultats académiques, supérieurs à la moyenne, a-t-elle plaidé.
Les analystes prédisent un revirement majeur
Après avoir perdu devant plusieurs tribunaux, l’association s’est tournée vers la Cour suprême et lui a demandé de profiter de ces dossiers pour déclarer que la Constitution interdit toutes les discriminations, y compris positives. En acceptant son recours alors qu’elle rejette la grande majorité des affaires qui lui sont adressées, la haute juridiction a laissé entendre qu’elle pourrait lui donner raison, ce qui aurait d’immenses répercussions, dans le secteur éducatif, mais aussi de l’emploi.
Les analystes prédisent un revirement majeur. «Je pense que, comme pour Roe, la Cour va revenir sur sa jurisprudence», a déclaré récemment le juriste Ilya Shapiro du think tank conservateur Manhattan Institute, en prévoyant que les six magistrats conservateurs feraient bloc contre leurs trois collègues progressistes. «Si on veut mettre un terme aux discriminations raciales, il faut arrêter de discriminer sur des critères raciaux», a notamment écrit en 2007 le chef de la Cour, John Roberts.
La juge noire Ketanji Brown Jackson a dû se récuser
Le camp progressiste est également affaibli: la juge noire Ketanji Brown Jackson s’est récusée dans le dossier de Harvard parce qu’elle a fait partie du conseil de surveillance de l’établissement. «Nous faisons face à la menace de voir la génération derrière nous avoir moins de droits que nous», en conclut Yasmin Cader de l’ACLU. «Et je dis ça en tant qu’Afro-Américaine qui a pu aller en Faculté de droit grâce à la jurisprudence de la Cour…»