BienneLe prédicateur haineux écope de six années d’expulsion
Pour ses prêches et pour avoir profité abusivement de l’assistance sociale, le Libyen Abu Ramadan a été condamné. Il peut encore recourir contre ce jugement.
- par
- Vincent Donzé
Pour Saïda Keller-Messahli, fondatrice et présidente du Forum pour un islam progressiste, lauréate du Prix suisse des droits de l’homme 2016, le procès à Bienne du prédicateur libyen Abu Ramadan (68 ans) était exemplaire: «La propagation de propos haineux dans les mosquées ne sera plus impunie», espérait-elle avant le jugement rendu ce mardi à 17 heures.
À 16 h 59, surgi d’une voiture qui l’a déposé devant le tribunal, Abu Ramadan, de son vrai nom Saleh Ramadan Al Fitouri Ben Salem, nous a regardés en levant les pouces, avant de trébucher sur la dernière marche, sans tomber. Tout un symbole: condamné à 14 mois de prison avec sursis et surtout à six années d’expulsion du territoire suisse, il peut encore recourir contre le jugement prononcé par le tribunal régional de Bienne.
Les ennemis
Le 7 juillet 2017, Abu Ramadan a visé les juifs, les chrétiens, les hindous, les Russes et les chiites. La citation en arabe qui a fait scandale est celle-ci: «Oh, Allah, je vous demande de détruire les ennemis de notre religion, de détruire les juifs, les chrétiens, les hindous, les russes et les chiites. Dieu, je vous prie, de les détruire tous et de redonner à l’islam sa gloire antique».
Pour sa défense, le prédicateur a critiqué le fait qu’un seul de ses sermons a été examiné, avec des passages sortis de leur contexte. L’imam a affirmé que ses citations en arabe ont été mal traduites: «Je n’ai jamais dit ça. Le traducteur est un menteur», a-t-il déclaré.
A-t-il mis en garde contre l’organisation terroriste État islamique? Il l’a prétendu, mais Abu Ramadan était aussi accusé d’avoir perçu illégalement une aide sociale d’environ 45 000 francs dans sa commune de résidence de Nidau, sans déclarer ni revenu, ni fortune.
Abu Ramadan vit actuellement en Suisse grâce à un permis C. Les autorités fédérales lui ont retiré son statut de réfugié en 2017, après qu’il s’est rendu à plusieurs reprises en Libye, un pays actuellement en proie à la guerre civile, où vit une de ses filles ainsi que deux frères et une sœur.
Abu Ramadan a déclaré ne pas pouvoir envisager un retour durable en Libye, où il serait exposé aux dangers des partisans de l’ancien dirigeant Mouammar Kadhafi. Lors de son dernier voyage dans la capitale Tripoli, a-t-il affirmé, son passeport lui a parfois été retiré.
Histoires ottomanes
Abu Ramadan est instruit. Quand on ouvre sa boîte à lettres, on dirait qu’il lit en anglais les histoires ottomanes de l’historienne britannique Caroline Finkel. Le courrier lui est adressé à Ramadan Ben Salem.
Dans «sa» mosquée, de nombreux fidèles lui ont tourné le dos, dans l’attente de l’issue de son procès. Selon une enquête de l’hebdomadaire «Biel Bienne», les musulmans pratiquants habitués à prier à la mosquée Ar’Rahman sont nombreux à se distancier de l’imam controversé: «Avec ses prêches, il a fait du mal à toute la communauté et jeté le soupçon sur l’ensemble des fidèles», a indiqué un habitué.
«Cet imam est au service de la communauté, toujours prêt à régler un différend», soutenait une musulmane pourtant chargée de déradicaliser les jeunes. Une autre voix affirme que parmi cinq jeunes hommes nés en Suisse et morts en Libye, l’un d’eux parti faire le djihad était le fils du frère du prédicateur.