États-UnisL’administration Biden interpelle la Cour suprême sur l’avortement au Texas
Le gouvernement américain a demandé à la plus haute instance judiciaire du pays de bloquer la loi restrictive sur l’IVG entrée récemment en vigueur au Texas.
Le gouvernement du président démocrate Joe Biden a formellement demandé lundi à la Cour suprême des États-Unis de bloquer une loi restrictive sur l’avortement au Texas. La loi, au cœur d’une bataille judiciaire féroce, interdit d’avorter dès que les battements de cœur de l’embryon sont détectables, soit vers six semaines de grossesse quand la plupart des femmes ignorent encore être enceintes, et ne prévoit pas d’exception en cas d’inceste ou de viol.
La maintenir reviendrait à «perpétuer les torts irréparables actuellement causés à des milliers de femmes au Texas, à qui l’on nie leurs droits constitutionnels», a écrit l’avocat général des États-Unis par intérim Brian Fletcher dans son argumentaire. Ce dernier dirige la représentation en justice de l’État américain. La jurisprudence de la Cour suprême garantit le droit des femmes à avorter tant que le fœtus n’est pas viable, soit vers 22 semaines de grossesse.
Mais le texte du Texas comporte un dispositif unique: il confie «exclusivement» aux citoyens le soin de faire respecter la mesure en les incitant à porter plainte contre les organisations ou les personnes qui aident les femmes à avorter illégalement.
Plainte du gouvernement
La Cour suprême, où les juges conservateurs sont majoritaires, avait déjà été saisie une première fois et avait invoqué ces «questions nouvelles de procédure» pour refuser, le 1er septembre, de bloquer l’entrée en vigueur de la loi. Elle ne s’était pas prononcée sur le fond.
Le gouvernement fédéral était alors entré dans l’arène judiciaire, introduisant une plainte en son nom contre le Texas. Le 6 octobre, un juge de première instance lui a donné raison et a suspendu la loi, en attendant un examen sur le fond. «Ce tribunal ne permettra pas que cette privation choquante d’un droit si important se poursuive un jour de plus», avait écrit le juge fédéral Robert Pitman.
Quelques cliniques avaient alors repris les avortements au-delà de six semaines. Mais, quelques jours plus tard, une cour d’appel, basée en Louisiane et connue pour son conservatisme, a invalidé la décision du juge Pitman. La loi reste ainsi pour le moment en vigueur tant que la procédure se poursuit. Le ministère de la Justice demande désormais à la Cour suprême de remettre en place la décision du juge Pitman. Il avait annoncé vendredi son intention de le faire.
«Inconstitutionnelle»
La haute juridiction pourrait agir dans les prochains jours ou semaines. Selon le gouvernement de Joe Biden, la loi du Texas est «clairement anticonstitutionnelle», car elle va à l’encontre de l’arrêt emblématique Roe V. Wade de 1973. Ces dernières années, des lois comparables à celle du Texas ont été adoptées par une dizaine d’autres États conservateurs et invalidées en justice parce qu’elles violaient cette jurisprudence.
Lorsque la haute Cour a laissé en vigueur la loi texane en septembre, suite à un recours alors formulé par des défenseurs du droit à l’avortement, le président Joe Biden avait fustigé avec des mots très forts cette décision, la qualifiant d’une «insulte à l’État de droit» provoquant le «chaos».
Selon la loi texane, les personnes portant plainte contre les personnes facilitant des avortements au-delà de six semaines peuvent recevoir au moins 10’000 dollars (9200 francs) de «dédommagement» en cas de condamnation. Les détracteurs du texte y voient une «prime» à la délation. Le Texas est le deuxième État le plus peuplé du pays. La Cour suprême doit également examiner cet automne une loi du Mississippi qui interdit d’avorter après 15 semaines de grossesse.