Traumatisée par les attentats, elle est euthanasiée à 23 ans

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BelgiqueTraumatisée par les attentats, elle est euthanasiée à 23 ans

Dans un cas hors norme, une très jeune femme a obtenu une euthanasie pour des souffrances psychologiques insupportables.

Renaud Michiels
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Renaud Michiels
Shanti De Corte s’en est allée en mai dernier, entourée par sa famille.

Shanti De Corte s’en est allée en mai dernier, entourée par sa famille.

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Victime collatérale des attentats de Bruxelles, en 2016, une jeune Belge disant endurer une souffrance psychologique insupportable a eu accès à une euthanasie. Elle n’avait que 23 ans.

Shanti De Corte s’en est allée en mai dernier, entourée par sa famille. Mais ce cas hors norme n’avait pas été médiatisé au printemps. Il vient d’être révélé par la RTBF, au grand dam de la famille de la défunte, qui n’avait pas donné son accord.

Le 22 mars 2016, Shanti De Corte, alors 17 ans, retrouve ses camarades de classe à l’aéroport de Zaventem, à Bruxelles. Tous doivent s’envoler pour Rome pour un voyage de fin d’étude lorsqu’une bombe éclate – les trois attentats suicides à l’explosif, deux à l’aéroport et une dans le métro, ont fait 32 morts. La jeune Belge n’est pas touchée physiquement. Mais restera lourdement traumatisée.

L’adolescente est rapidement prise en charge par une psychologue. Puis hospitalisée dans un établissement psychiatrique quelques semaines plus tard. Les années qui suivront, elle multipliera les allers-retours entre son domicile et l’hôpital.

«Je me sens comme un fantôme»

Sur Facebook, Shanti De Corte, a souvent décrit sa souffrance, comme ses prises d’antidépresseurs, jusqu’à 11 par jour. Elle explique ne pas pouvoir s’en passer. Tout en doutant de la voie suivie. «Avec tous les médicaments que je prends, je me sens comme un fantôme qui ne ressent plus rien. Il y avait peut-être d’autres solutions que les médicaments», écrit-elle.

En 2018, la jeune femme de Kontich, dans la province d’Anvers, se confie à «Het Laatste Nieuws». «Parfois, je crie comme si j’étais de retour à Zaventem. Mais je veux vivre et aider les autres».

Son état, pourtant, se dégrade. En 2020, elle tente de mettre fin à ses jours. Shanti De Corte survit mais veut que ses souffrances, perçues comme insurmontables, cessent. Elle souhaite être euthanasiée.

Après plusieurs refus, deux psychiatres ont finalement accédé à sa demande «pour souffrance psychique insupportable». Et Shanti De Corte est décédée le 7 mai.

Ce cas hors norme d’une euthanasie pour une personne si jeune ne souffrant d’aucune pathologie physique fait doublement polémique. D’abord un neurologue bruxellois qui était intervenu dans le dossier a affirmé que cette euthanasie n’aurait jamais dû avoir lieu car la jeune femme avait eu d’autres propositions de soins. Le parquet d’Anvers avait ouvert une enquête mais avait cependant classé l’affaire, jugeant que la législation belge encadrant l’euthanasie avait été respectée.

«Un fait d’intérêt public»

Autre problème, la famille de la jeune défunte dit n’avoir pas été consultée et n’avoir pas donné son accord pour que le cas soit rendu public. Et elle affirme que le reportage de la RTBF contiendrait même des erreurs importantes, relate le portail 7sur7.

La RTBF a reconnu n’avoir pas eu de contacts avec la famille, qu’elle avait sollicitée à plusieurs reprises sans succès. Mais le média de service public belge assume sa décision, en estimant que ce cas a un intérêt public, tant sur l’euthanasie en Belgique que sur l’assistance aux victimes après les attentats.

«Nous sommes bien évidemment respectueux de la position de la famille et comprenons qu’avoir parlé de leur histoire est sensible», a communiqué la RTBF. «La décision d’en faire le récit a été prise, car c’est un fait d’intérêt public qui participe aussi à la bonne compréhension de ce qui s’est passé pour des victimes après ces terribles événements. L’enquête porte sur le suivi, l’aide apportée aux victimes et met en lumière ce qui n’a pas fonctionné dans la prise en charge, l’accompagnement que ce soit d’un point de vue thérapeutique, financier, etc. Il y a différentes situations qui sont présentées et chacune a fait l’objet d’angles multiples pour expliquer de la manière la plus juste ce qui s’est passé, sans juger ni opposer.»

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