DevisesLe dollar met à genoux l’euro et la livre, proche de son plus bas historique
La devise britannique a plongé jusqu’à 1,0863 dollar vendredi, une première depuis 1985. L’euro est lui tombé à un nouveau plancher depuis 20 ans, à 0,9681 dollar pour un euro.
Le dollar a lancé vendredi un nouvel assaut contre l’euro et la livre, qui s’est approchée du plus bas niveau de son histoire après la présentation, au Royaume-Uni, de mesures budgétaires jugées très coûteuses par le marché.
«La livre sterling est en danger»
La livre est descendue jusqu’à 1,0863 dollar pour la première fois depuis 1985, non loin du record absolu enregistré cette année-là, soit 1,0520 dollar. La devise britannique a perdu plus de 7% en dix jours, un mouvement d’une ampleur très rare sur le marché des changes. Le nouveau gouvernement britannique de Liz Truss a dévoilé vendredi une série de mesures de relance budgétaire, qui prévoient notamment la prise en charge d’une partie de la facture d’énergie des ménages et le renoncement à une série de hausses d’impôts. L’ensemble devrait contraindre le Royaume-Uni à emprunter 72 milliards de livres supplémentaires sur les marchés, ce qui inquiète les opérateurs.
«Entre le Brexit, le retard de la Banque d’Angleterre pour remonter ses taux et maintenant la politique budgétaire, je pense que le Royaume-Uni restera dans l’Histoire comme une des pires gestions macroéconomiques d’un grand pays depuis longtemps», a accusé l’ancien secrétaire américain au Trésor, Larry Summers, qui voit potentiellement la livre atteindre la parité avec le dollar. «La livre sterling est en danger», a mis en garde George Saravelos, analyste chez Deutsche Bank, qui note que la devise chute alors même que les taux d’emprunt de la dette britannique augmentent, «ce qui est très rare dans une économie développée».
«Nous nous inquiétons de voir la confiance des investisseurs dans le Royaume-Uni s’éroder rapidement», ajoute-t-il. «La probabilité d’un resserrement monétaire plus agressif» de la Banque d’Angleterre (BoE) «s’est élevée, avec les taux» britanniques, qui ont pris plus d’un demi-point en deux jours pour l’emprunt à 10 ans, au plus haut depuis début 2011, a commenté Craig Erlam, d’Oanda.
«Vers la récession»
La situation est telle que les cambistes évoquent désormais l’hypothèse d’une réunion d’urgence de la BoE, avec à la clef une hausse de taux anticipée, citée par Erik Nelson, de Wells Fargo. «Cela enverrait le mauvais message aux marchés», met en garde Christopher Vecchio, de DailyFX, car ces réunions non prévues «signifient que la situation est très tendue, dramatique.»
Si elle a été particulièrement malmenée, la livre sterling n’a pas été la seule à souffrir vendredi. L’euro est tombé à un nouveau plancher depuis 20 ans, à 0,9681 dollar pour un euro. La monnaie unique est de plus en plus mal positionnée face au billet vert, car «les inquiétudes s’accroissent» quant à la trajectoire économique du Vieux Continent, a souligné Joe Manimbo, de Convera.
L’indice PMI Flash de S&P Global a mis en évidence, vendredi, un nouveau recul de l’activité économique en zone euro en septembre, à son plus bas niveau depuis 20 mois. Pour Joe Manimbo, c’est «un nouveau pas vers la récession». L’Europe pâtit de la comparaison avec l’économie des Etats-Unis, qui demeure vigoureuse, et avec la banque centrale américaine (Fed), qui a encore monté d’un cran la pression contre l’inflation mercredi. Les mouvements brutaux de vendredi «rappellent ce qui s’est passé au début de la pandémie en 2020, lorsque le monde paniquait à l’idée d’une récession mondiale», considère Christopher Vecchio.
A l’époque, la dislocation des marchés avait été telle que la Fed était intervenue massivement pour les stabiliser. Mais cette fois, prévient l’analyste, elle n’a pas intérêt à agir. «La Fed voit le dollar fort comme une bénédiction», fait-il valoir. «Dans une certaine mesure, cela aide à protéger l’économie (américaine) contre les pressions inflationnistes.» Quant à une intervention coordonnée entre plusieurs pays sur le marché des changes, «nous sommes entrés dans une ère de la dé-mondialisation, des intérêts concurrents, dans laquelle la volonté politique de faire quelque chose ensemble a grandement diminué», selon Christopher Vecchio.