Fashion WeekDans les coulisses du défilé de Kevin Germanier, Valaisan devenu grand
Le Romand de 31 ans rivalise avec les meilleures marques de la mode. Nous avons assisté à son dernier show parisien et avons profité de le suivre en backstage et en soirée. Rencontre.
- par
- Fabio Dell'Anna Paris
Atmosphère industrielle au 29 Quai de Grenelle, dans le XVe arrondissement de Paris, mardi 26 septembre. Nous sommes dans un parking vide destiné à la destruction. La Fashion Week vient de commencer. Une horde d’influenceurs aux tenues extravagantes, des drag-queens hautes en couleur ainsi que les plus grands médias internationaux se bousculent pour assister au défilé de Kevin Germanier. Le Valaisan né à Granges et sa team n’ont pas déçu. Son show printemps-été 2024 rythmé par une musique techno prend des allures d’un Berghain spatial envahi par des extraterrestres. «Les Venimeuses», a-t-il baptisé sa collection. «Le venin est souvent perçu de manière négative, alors qu’il a des bienfaits en médecine. C’est un peu comme le up-cycling (ndlr: le surcyclage. Il n’utilise que des produits recyclés pour sa marque.) C’est moche, exubérant et ça peut mettre mal à l’aise. Mais cela peut se transformer en un costume sublime, kitsch ou dérangeant. Tout dépend de votre vision. Pour moi, ce sont mes créatures et j’y vois de la beauté», explique le Romand de 31 ans.
Le soir, lors de son after party, nous le retrouvons sur la terrasse d’un hôtel de Montmartre. Après une longue journée de travail de 16 heures, Kevin Germanier prend le temps de répondre à nos questions avec le sourire «et une petite faim». En bon CEO qu’il est devenu, il comprend les relations publiques à la perfection. Il parle avec chaque journaliste et pose avec chaque influenceur. «Si les gens se déplacent, il est normal de les contenter. Je n’ai pas arrêté aujourd’hui, mais rien n’aurait été possible sans mon équipe», dit-il avec humilité.
«Désormais, je me vois plus avec la casquette d’un boss que celle d’un couturier», raconte-t-il avant d’ajouter qu’il a un «excellent» groupe de créatifs s’occupant du design. «Aucune décision n’est prise sans ma validation, évidemment. On travaille depuis des années ensemble et je leur fais complètement confiance. Ils ont une réelle liberté. C’est peut-être pour ça que la collection devient toujours plus forte, toujours plus incroyable.»
En tout, ils sont cinq. Tous présents dans l’ombre de ce show qui a pris six mois de réalisation pour six minutes de défilé. Rien n’est laissé au hasard. Comme le choix des vingt-huit mannequins sur le podium. On repère d’ailleurs sa muse, la drag-queen La Grande Dame qui a participé à l’émission télé «Drag Race France» en 2022. Dans les coulisses situées au sommet du parking, tous les top models ont leur propre siège avec leur maquilleur et coiffeur. Chaque look beauté est pensé par le Suisse. Lors de la répétition générale, on remarque que Kevin Germanier regarde avec minutie le résultat. Il est entouré de plusieurs caméras qui capturent ses réactions. Des contenus qui ont chacun un but précis dans son business. Il y a une vidéo pour les réseaux sociaux. «Je gère Instagram de A à Z», confirme-t-il, alors qu’il reçoit plus d’une centaine de notifications le félicitant pendant notre discussion. Il y a également des clichés prévus pour sa collaboration avec Laurastar, la marque suisse spécialisée dans le matériel de repassage haut de gamme.
Il signe une collection capsule avec Laurastar
Cette dernière a fait appel au couturier pour créer une collection capsule. «Ils m’ont d’abord contacté en ligne. Je n’ai pas répondu. Je croyais que c’était un fake. Nous sommes finalement entrés en contact et ils m’ont demandé de travailler sur une série limitée. Je me rappelle que lorsque j’étais encore enfant, ma mère utilisait l’un de leurs produits avec des cœurs rouges. J’ai accepté leur invitation, car je voulais proposer un concept jamais vu. On a décidé de créer une matière qui change de couleur. Le projet a été réalisé par un carrossier. Le comble est que mon grand-père était carrossier.» Un joli coup marketing repris en masse dans la presse.
Kevin Germanier a compris qu’en diversifiant ses partenariats, il touche un plus grand public. Il a travaillé notamment avec Swarovski, La Redoute ou encore les vins, Germanier Cave du Tunnel. Sans oublier qu’il sait très bien placer ses produits. Ses tenues ont été portées par Lily Collins dans la série «Emily in Paris» sur Netflix, mais aussi par Heidi Klum, Rihanna et Taylor Swift. Il sait également que pour le bien de ses finances, il ne peut se cantonner à une mode hors du commun. «Pour ce show, on a mis le paquet au niveau visuel, contrairement à l’ancien qui était plus orienté business. Mais on retrouve tout de même un mix avec des pièces commerciales comme les sacs à main et le denim», nous dit-il. Son père, également présent à l’hôtel, nous souffle qu’il apprécie parfois aiguiller son fils vers la voie de la raison: «Il est maître de ses propres choix, mais je suis toujours là s’il a besoin d’un conseil. Il me rend très fier.»
«De manière générale, j’ai rarement été aussi ravi»
Comme toujours, sa famille a fait le déplacement à Paris. Comme toujours, elle a la place d’honneur du défilé. Sa mère, habillée en Germanier et qui l’aide beaucoup pour tout ce qui est administratif, est la première à l’applaudir. Sa grand-mère octogénaire suit le mouvement, émerveillée. Elle fait partie des vingt-sept tricoteuses valaisannes qui l’assistent pour créer ses tenues. «À chaque fois, c’est plus beau, mais je ne sais pas si j’ose tout porter», plaisante cette dernière lors de l’after party, juste avant d’aller danser sur «Yes Sir, I Can Boogie» de Baccara.
«De manière générale, j’ai rarement été aussi ravi, commente Kevin Germanier. J’ai beaucoup de chance d’être si bien entouré. Ma maman a quitté son job pour se consacrer à 100% à la marque. C’est incroyable l’amour d’une mère. D’autant plus que son travail n’est pas le plus intéressant. (Rires.) J’ai aussi une équipe formidable. En tout, avant un show, l’entreprise Germanier compte 59 employés. Maintenant, j’aimerais que l’on construise ensemble un empire», conclut-il. Et qui sait, son rêve de devenir le directeur artistique de Christian Dior se réalisera aussi en cours de route.