Élections législatives«Je suis le prochain Premier ministre de la Thaïlande»
Le chef de l’opposition, Pita Limjaroenrat, a revendiqué lundi la victoire du parti progressiste Move Forward. Une coalition pro-démocratie se dessine.
Associé à la couleur orange, Move Forward («Aller de l’avant») est bien parti pour devenir la principale force politique de Thaïlande. Le chef de l’opposition, Pita Limjaroenrat, a revendiqué lundi la victoire de son parti, en route pour former une coalition gouvernementale afin de succéder aux généraux au pouvoir depuis presque dix ans. «Je suis Pita Limjaroenrat, le prochain Premier ministre de la Thaïlande», s’est présenté le jeune candidat de 42 ans, lors d’une conférence de presse à Bangkok.
«C’était le bon moment, les gens ont trop subi. (...) Aujourd’hui est un nouveau jour, et j’espère qu’il apportera du soleil et de l’espoir», a lancé, en anglais, cette figure télégénique, diplômé de Harvard. Mais ses positions jugées radicales risquent de créer des frictions avec l’élite militaro-royaliste qui conserve de l’influence au sein des institutions. Porté par une participation record, autour de 75%, Move Forward glane en tout 151 sièges sur 500, selon les dernières estimations, devant Pheu Thai (141 députés), l’autre force de l’opposition.
Le parti de la Nation thaïlandaise unie (UTN) du Premier ministre sortant Prayut Chan-O-Cha navigue loin derrière, avec seulement 36 élus. Cette cinquième position sonne comme un désaveu cinglant après neuf années au pouvoir.
Lèse-majesté supprimée?
Les règles électorales complexes, concoctées par l’armée à son avantage, contraignent les partis d’opposition à former une large coalition pour accéder au pouvoir, ouvrant une période d’incertitudes qui laisse tous les scénarios sur la table. Pita Limjaroenrat a tendu la main à son homologue de Pheu Thai, Paetongtarn Shinawatra, sur la base d’une alliance entre six partis. La fille de l’ancien Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra a répondu favorablement, ouvrant la voie à une majorité qui recueillerait un peu plus de 300 sièges.
Les deux partagent le constat d’une économie thaïlandaise défaillante qui a besoin de réformes, mais s’opposent sur plusieurs sujets de société, comme l’article réprimant sévèrement le crime de lèse-majesté, sur lequel Pheu Thai se montre bien plus prudent. Pita a répété lundi sa promesse de briser ce tabou, que longtemps les partis politiques n’osaient pas aborder. La loi contre la diffamation royale a été détournée pour réprimer toute voix dissidente, selon ses détracteurs.
Système pro-armée
Vainqueur de 32 des 33 sièges en jeu à Bangkok, un score d’une ampleur inattendue, Move Forward s’inscrit dans la dynamique des manifestations pro-démocratie de 2020 qui ont secoué la capitale avant de baisser en intensité sous l’effet de la pandémie et de la répression des autorités. Pheu Thai garde de son côté le soutien des milieux ruraux du Nord et du Nord-Est, qui ont bénéficié des politiques de redistribution pionnières du père de Paetongtarn, au début des années 2000.
L’opposition a besoin de 376 sièges sur les 500 de l’Assemblée nationale pour contrebalancer l’influence des 250 sénateurs nommés par l’armée. Il suffit au camp pro-armée de 126 députés pour s’assurer une majorité au vote du Premier ministre, choisi par les deux chambres. Ce système, jugé partial par les organisations de défense des droits humains, a permis à l’ancien général Prayut de se maintenir au pouvoir en 2019, au prix d’une large coalition englobant une quinzaine de partis.