CoronavirusL’espérance de vie a baissé comme jamais en 70 ans à cause du Covid
Dans les pays industrialisés, les hommes américains, les plus touchés, ont perdu 2,2 ans d’espérance de vie. En Suisse, c’est moins, mais cela reste exceptionnel.
- par
- Michel Pralong
La pandémie de coronavirus a eu un impact sur la mortalité, mais également sur l’espérance de vie en général. C’est ce que montre une étude publiée ce lundi 27 septembre qui a analysé le registre des décès de 29 pays industrialisés (États-Unis, Chili et Europe). 27 d’entre eux ont connu une baisse de cette espérance de vie en 2020 et dans des proportions qui ont anéanti des années de progrès en la matière. Seuls le Danemark et la Norvège n’ont pas vu leur espérance baisser.
La plus forte baisse concerne les hommes américains, qui ont perdu 2,2 ans par rapport à l’espérance de 2019. Dans 11 pays, dont l’Italie, l’Espagne et l’Angleterre, les hommes ont perdu plus d’un an et c’est également le cas pour les femmes dans 8 pays. Dans 22 des 29 pays, cette baisse d’espérance de vie tous sexes confondus dépasse 6 mois. En Finlande, l’espérance de vie a diminué chez les hommes, mais pas chez les femmes. L’analyse de l’équipe révèle que la plupart des réductions d’espérance de vie dans ces différents pays étaient attribuables aux décès officiels dus au Covid.
Inédit depuis la Seconde Guerre
«Pour les pays d’Europe occidentale tels que l’Espagne, l’Angleterre et le Pays de Galles, l’Italie, la Belgique, entre autres, la dernière fois que des baisses aussi importantes de l’espérance de vie à la naissance ont été observées en une seule année, c’était pendant la Seconde Guerre mondiale», a déclaré José Manuel Aburto, du département de sociologie de l’Université d’Oxford (GB) et coauteur principal de l’étude, cité dans le «Financial Times».
Aux États-Unis, on a carrément assisté à une baisse sans précédent, selon les données qui remontent jusqu’à 1933. Alors que les hommes y ont donc perdu 2,2 ans, les femmes américaines ont, elles, perdu 1,65 an d’espérance de vie par rapport à 2019. Cela s’explique en partie parce qu’aux États-Unis l’épidémie a fait bien plus augmenter la mortalité chez les moins de 60 ans que dans la plupart des pays européens où cela a surtout touché les 60 ans et plus.
Retour au niveau de 2015 en Suisse
L’étude parue dans l’«International Journal of Epidemiology» prend également en compte la Suisse, dont les données avaient déjà été publiées par Unisanté en avril dernier: cette baisse d’espérance de vie a été de 9,7 mois pour les hommes et 5,3 mois pour les femmes l’an dernier. L’espérance de vie augmentant en moyenne de 2 mois par an dans notre pays ces dernières décennies, l’espérance de vie en 2020 est donc retombée à celle de 2015 environ (un peu plus de 81 ans pour les hommes et de 85 ans pour les femmes). Reste que cela faisait également depuis la Seconde Guerre mondiale qu’une telle baisse d’espérance de vie n’avait pas été observée dans notre pays.
Les autres nations connaissaient également des hausses régulières de l’espérance de vie comparables à celles de la Suisse, puisque dans les pays étudiés, il fallait en moyenne 5,6 ans pour augmenter l’espérance de vie d’un an. «Ces progrès ont été anéantis au cours de l’année 2020 par le Covid-19», a déclaré le Dr Aburto.
Mortalité masculine plus élevée
À l’exception de l’Espagne, de la Slovénie, de l’Estonie et de l’Irlande du Nord, les pertes d’espérance de vie étaient plus importantes pour les hommes en 2020. On observe en effet une mortalité due au Covid plus forte chez les hommes en général: «Alors que les femmes et les hommes ont tendance à contracter le Covid-19 à des taux assez similaires, les hommes semblent tomber plus gravement malades à court terme. Bien que, fait intéressant, les femmes signalent des taux plus élevés de Covid long», a déclaré David Dowdy, professeur agrégé d’épidémiologie à la Faculté de médecine de l’Université Johns Hopkins (USA). Ces différences sont attribuées à des différences biologiques, mais aussi comportementales.
Pour rappel, l‘espérance de vie est l’âge moyen auquel vivrait un bébé si le taux de mortalité au moment où il naît se maintient toute sa vie.