Guerre en UkraineDu gaz de TotalEnergies aurait servi aux avions russes
Selon «Le Monde» et une ONG, le groupe pétrolier français exploite un gisement d’où est extrait un hydrocarbure liquide. Celui-ci sert à ravitailler des avions de combat russes engagés en Ukraine.
Le gaz sibérien produit par une coentreprise de TotalEnergies a permis de fabriquer du carburant destiné à alimenter des avions de guerre russes engagés dans le conflit en Ukraine, accuse mercredi «Le Monde». Le journal français se base sur plusieurs documents et une enquête de l’ONG Global Witness.
Selon eux, le champ gazier russe de Termokarstovoïe exploité par l’entreprise Terneftegaz, codétenue par le groupe français à 49% avec le russe Novatek (51%), a fourni du condensat de gaz à une raffinerie proche d’Omsk (Russie). Celle-ci en a fait du carburant, qui a ensuite été expédié pour alimenter les avions russes au moins jusqu’en juillet. Ces conclusions se basent notamment sur des données de la base Refinitiv. Appuyées par des images satellites, elles permettent de retracer la chaîne d’approvisionnement.
Selon ces données, les expéditions de Terneftegaz ont représenté plus de 8% de la matière première réceptionnée à Omsk depuis l’invasion de l’Ukraine. L’ONG a ensuite recensé «des centaines d’expéditions de carburéacteur de la raffinerie d’Omsk vers des bases de l’armée de l’air russe près de l’Ukraine».
TotalEnergies dément
Quelque 40’000 tonnes de carburéacteur (kérosène) ont ainsi été expédiées d’Omsk aux bases de chasseurs-bombardiers Sukhoi à Morozovsk et Voronezh, du 13 février et jusqu’en juillet, selon cette analyse des données de Refinitiv. Aucune des deux bases n’avait reçu de carburant de la raffinerie depuis 2017, ajoute Global Witness.
«Non, TotalEnergies ne produit pas de kérosène pour l’armée russe», a réagi mercredi sur Twitter le service de presse du groupe. L’entreprise explique au «Monde» que Novatek est l’opérateur des installations de la coentreprise et qu’elle n’en perçoit pas de dividende depuis février 2022. «TotalEnergies ne participe pas aux décisions de valorisation des condensats par Novatek», ajoute le groupe.
«Entreprise privée indépendante», Novatek est détenue à 19,4% par TotalEnergies, qui dit ne disposer «ni d’information sur les ventes qui sont faites de manière indépendante par Novatek sur le marché russe, ni de contrôle sur ses ventes». Interrogé sur sa capacité à contrôler une coentreprise qu’il détient à 49%, le groupe admet que «les seuils de majorité dépendent de la nature des décisions». Mais les activités de la coentreprise «ne relèvent pas du Conseil d’administration, mais de la direction générale», explique encore l’ex-Total.
Pour Louis Goddard, responsable des enquêtes data de Global Witness, TotalEnergies «affirme que sa production n’a aucun rapport avec les opérations militaires russes, mais cet argument ne tient plus. Total doit jouer franc jeu». Après l’invasion russe de l’Ukraine, TotalEnergies a annoncé notamment qu’il n’investirait plus dans de nouveaux projets en Russie, mais il y maintient encore des activités, concentrées essentiellement autour du gaz liquéfié venu de Yamal LNG.