Guerre en UkraineLes groupes français peu pressés de quitter la Russie
Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, très peu de grands groupes français ont déclaré vouloir cesser leurs activités en Russie. Le gouvernement français reste discret sur la question.
Une semaine après le déclenchement de l’invasion russe en Ukraine, peu de grandes entreprises françaises ont annoncé leur intention d’arrêter leur activité en Russie, en dehors de fermetures «temporaires» de boutiques dans le luxe, tandis que le gouvernement français dose prudemment ses messages.
Les britanniques BP, Shell et Jaguar Land Rover, les américains ExxonMobil et Disney, l’allemand Daimler Truck, le norvégien Equinor, le constructeur suédois Volvo ou encore les géants de la tech américaine Microsoft et Meta… de nombreuses multinationales ont pris leurs distances avec la Russie. En France, le mouvement est plus timide, hormis les groupes de luxe Chanel, Hermès, le numéro un mondial du secteur LVMH et son concurrent Kering qui ont annoncé vendredi mettre en pause leurs activités commerciales dans le pays.
«Un problème de principe» pour le gouvernement
Sollicité par l’AFP, le géant des cosmétiques L’Oréal n’a pas souhaité faire de commentaires. De son côté, l’armateur CMA CGM a annoncé qu’il allait cesser de desservir les ports russes, mais davantage «dans un souci de sécurité» que de rétorsion économique. TotalEnergies a, lui, décidé qu’il «n’apporterait plus de capital à de nouveaux projets en Russie», sans évoquer un quelconque retrait d’un pays dans lequel il a des intérêts importants. «La position de TotalEnergies a été partagée avec les autorités françaises qui l’ont bien comprise», assure à l’AFP le groupe, dont le président Patrick Pouyanné a été reçu à Bercy ainsi qu’à l’Élysée mardi soir dans le cadre d’une réunion du Dialogue du Trianon, qui rassemble les sociétés civiles franco-russes. Quant à la banque Société générale, très exposée via sa filiale Rosbank, elle a simplement assuré jeudi qu’elle pourrait résister si elle venait à être privée de cet actif en Russie.
Du côté gouvernemental, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a vu «un problème de principe» dans le fait que des entreprises travaillent avec les proches du pouvoir russe, mais sans appeler les groupes français à revoir leur présence dans ce pays. Au Royaume-Uni, le ministre des Entreprises Kwasi Kwarteng affirmait lui sur Twitter lundi qu«’il y avait [désormais] un impératif moral fort pour les entreprises britanniques d’isoler la Russie».
«Aucune orientation précise»
Bruno Le Maire a aussi dû faire marche arrière après avoir affirmé que l’Union européenne allait «livrer une guerre économique et financière totale à la Russie», jugeant après coup le mot guerre «inapproprié». Ses propos avaient suscité une vive réaction et une menace à peine voilée de l’ancien président russe Dimitri Medvedev. Au gouvernement, le message est plutôt «d’accompagner» les entreprises exposées aux répercussions du conflit et aux sanctions imposées à la Russie, affirmait le ministre au Commerce extérieur Franck Riester mardi à l’issue d’une réunion avec une soixantaine d’entreprises et de fédérations professionnelles.
Après un point sur la situation géopolitique et l’évolution du conflit, cette réunion a aussi été l’occasion pour le Quai d’Orsay et Bercy de mettre en garde les entreprises sur la perspective d’une guerre longue, avec la possibilité de contre-sanctions russes visant les intérêts occidentaux. Le ministère des Affaires étrangères appelle d’ailleurs désormais les voyageurs – touristes et professionnels – à «quitter sans délai le pays» et à «différer tout déplacement vers la Russie».
La France: premier employeur étranger en Russie
«La perception d’un conflit qui pourrait escalader et durer a eu un impact fort sur les entreprises, surtout pour une communauté d’affaires assez résiliente, prompte à s’adapter aux circonstances locales», avance une source diplomatique. Mais concrètement, «il n’y a eu aucune annonce ni orientation précise donnée aux entreprises quant à une position à adopter», a indiqué un participant à l’AFP. «Il n’y a pas eu de demande de désengagement à ce stade», a abondé un participant du secteur agroalimentaire.
Un autre assure qu’il n’a pas été demandé «de rappeler les travailleurs expatriés». «Le gouvernement n’a pas demandé aux entreprises d’arrêter leurs activités en Russie, mais ses représentants ont demandé si certaines envisageaient» des actions, confirme un autre.
La France est le premier employeur étranger en Russie et le deuxième pourvoyeur d’investissements directs étrangers et n’a donc pas uniquement des relations commerciales avec la Russie, ce qui peut compliquer un retrait du pays. «Les entreprises françaises globalement sont plutôt des investisseurs, ce sont des entreprises qui ont du personnel sur place, donc la communication doit être calibrée», indique la source diplomatique.