FootballEn Challenge League, savoir rêver au présent
L’équipe qui pourrait rejoindre la Super League à la fin du printemps ne sera pas forcément celle qui s’y attendait le plus. Plutôt celle qui aura le mieux pris conscience de ses failles.
- par
- Florian Vaney
«Par précaution, on vous demande de remettre le masque lorsque vous êtes en contact avec les joueurs.» La consigne d’un des membres de l’encadrement de Neuchâtel Xamax est aussi claire que légitime. Mais voilà qu’aussitôt, elle fait renaître une sensation palpable d’insécurité, dans les couloirs de la Maladière et d’ailleurs. Ils étaient 3700 pour apprécier le palpitant derby du lac de vendredi soir. Pourront-ils tous être de retour dans deux semaines face à Thoune, pour autant que cela soit bien dans deux semaines? Le futur semble à nouveau fragile. Et, coïncidence, cette phrase n’a jamais aussi bien collé à la Challenge League.
La dernière soirée de deuxième division s’est adonnée à son jeu préféré: s’inscrire dans une rupture totale de l’attendu. Ou alors, on aimerait bien connaître celui qui a vu venir la victoire 5-2 de Schaffhouse à Winterthour. Pas besoin de traverser la Suisse pour s’en rendre compte. Yverdon Sport n’avait plus encaissé le moindre but dans le jeu en Challenge League depuis huit matches (neuf si on prend en compte la réussite sur corner concédée face à Aarau… le 10 septembre). Score après onze minutes: 2-0 pour Xamax. Deux buts dans le jeu, évidemment (bien aidés par la consilience de Lewin Blum, d’abord, et de Nicolas Gétaz, ensuite).
Pour chaque excès de confiance, une punition
Si on peut en tirer une leçon, c’est peut-être celle d’abandonner l’idée de se projeter dans le futur. Tant le parcours des Neuchâtelois que celui des Vaudois semblent nous le dire. Dans le cas des premiers, tout s’est mis à dérailler lorsque la question de la Super League est venue sur la table, dans les discussions, dans chaque esprit, après un début de saison tonitruant. La punition a pris la forme d’un rustre retour sur terre: cinq défaites, un nul. Hasard ou non, Winterthour semble vivre exactement la même situation en ce moment.
Difficile de mettre l’humble Yverdon Sport, qui a toujours été conscient de son statut de néo-promu, dans le même panier. Reste qu’insidieusement, peut-être, l’idée que les Nord-Vaudois étaient devenus intouchables commençait à s’installer. Jusqu’à ces onze premières minutes vendredi soir, où leur solidité louée s’est muée en une fragilité qu’on ne leur connaissait plus.
Xamax, une mission menée à bien
Sans doute faut-il apprendre à rêver au présent. C’est toujours plus facile de prêter au gagnant, mais Neuchâtel vient d’y parvenir avec un réel succès. On peut considérer sa mission comme étalée sur une semaine. D’abord, mettre de côté toutes considérations de jeu (qui pourraient s’avérer utiles pour le reste de la saison) et ne surtout pas perdre contre Kriens. Xamax l’a fait le week-end dernier, en prenant les trois points, quitte à jouer avec une première ligne de six défenseurs toute la seconde période. Ensuite, faire oublier la misère de ce soir-là sur la forme en cherchant à se mettre en feu contre Yverdon vendredi. Résultats, sept ou huit occasions franches et un succès, certes difficile, mais mérité.
Pour la première fois depuis longtemps, on a aperçu des Rouge et Noir capables de présenter deux visages pertinents. Pas parfaits, mais intéressants. L’effet «double face» n’est pas nouveau, mais il fallait jusqu’ici toujours composer avec la lumière d’un côté et l’ombre de l’autre. Contre YS, les deux faces se sont entremêlées dans un mélange nettement plus équilibré. Un pressing haut et la volonté (contrariée) d’essayer de poser le jeu avant le thé, celle de bien défendre et d’abuser de la verticalité au retour des vestiaires. Avec deux changements bien sentis à la pause. Et un Nicky Beloko vraiment impressionnant quand il évolue à ce niveau.
Uli Forte, lui, n’avait pas abandonné son ambition en arrivant à Neuchâtel. Deux attaquants, deux pistons à qui il a assurément été demandé de se projeter vers l’avant et ce poteau de Koro Kone qui aurait pu tout changer après deux minutes. Yverdon Sport n’est vraiment plus le martyr de Challenge League. Peut-être a-t-il payé le remaniement de son milieu de terrain, vraiment impressionnant ces dernières semaines: Silva purgeait sa suspension, Christian Zock a patienté sur le banc jusqu’à la 72e. Peut-être aussi s’est-il fait surprendre dans sa volonté de contrôler le jeu par un synthétique visiblement tout sauf évident à jouer par zéro degré.
Motifs de satisfactions, pain sur la planche. Suffisant pour continuer à rêver au présent, non?
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