Le mâle albatros peureux a plus de risque de se faire larguer

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ZoologieLe mâle albatros a plus de risque de se faire larguer s’il est peureux

Chez ces oiseaux, les couples se séparent rarement. Mais une étude montre que cela arrive le plus fréquemment lorsque monsieur manque d’audace.

Le taux de divorce chez l’albatros hurleur est très bas, 13%.

Le taux de divorce chez l’albatros hurleur est très bas, 13%.

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Monogames, les grands albatros de l’hémisphère Sud ne sont pas à l’abri d’une séparation, plus prévisible chez les mâles «timides» qui préfèrent éviter la confrontation avec un mâle concurrent.

«Nous montrons pour la première fois dans une espèce animale sauvage un lien entre la personnalité et le divorce», a expliqué à l’AFP Ruijiao Sun, première auteure de l’étude parue dans les «Biology Letters» de la Royal Society britannique.

Un modèle de fidélité

Diomedea Exulans, le grand albatros hurlant, est pourtant un modèle de fidélité. Le divorce y est «très rare», avec un taux d’environ 13% dans la population étudiée par l’écologue, qui est doctorante à l’Institut océanographique américain Woods Hole. Si 90% des oiseaux sont monogames, les marins le sont tous sans exception. Mais la vie de couple n’est pas sans heurts, même chez ces derniers. 

Des études ont identifié un régime de divorce «adaptatif», en langage de spécialiste, c’est-à-dire motivé par l’éternel impératif de reproduction. Par exemple, «si un oiseau constate que ses chances de reproduction sont trop faibles avec un partenaire spécifique, il peut en chercher un autre», explique Ruijiao Sun. Une étude a repéré un tel comportement chez l’albatros à sourcil noir.

Rien de tel ici. En revanche, la personnalité de l’individu, plus ou moins courageux, «est un des facteurs prédisant un divorce», explique à l’AFP la biologiste marine Stéphanie Jenouvrier, coauteure de l’étude. En l’occurrence, un albatros «timide» a jusqu’à deux fois plus de chances de divorcer qu’un albatros «audacieux».

Pour le vérifier, et l’expliquer, les chercheurs ont puisé dans une base de données unique au monde, établie par le Centre d’études biologiques de Chizé et l’Institut polaire français Paul-Émile Victor.

Depuis 1959, leurs membres recensent les tribulations d’une colonie de grands albatros établis sur l’île de la Possession, dans les eaux glacées de l’archipel Crozet, une des Terres australes et antarctiques françaises. «On les bague avec un numéro, et chaque année on dresse une carte avec l’emplacement de leur nid, ils ne sont pas farouches et en s’approchant lentement on peut faire beaucoup d’observations», raconte Stéphanie Jenouvrier, qui a longtemps travaillé pour le centre de Chizé.

Un an de repos chacun de son côté

Les chercheurs peuvent ainsi «reconstruire toute l’histoire de ces oiseaux», de leur naissance jusqu’à leur disparition, explique-t-elle. Car Diomedea Exulans, qui peut vivre jusqu’à 50 ans, a ses habitudes. Une fois en couple, il se reproduit «tous les deux ans, parce qu’il a besoin d’un an pour élever son unique petit, avant de prendre une année de repos, mais séparément, avant que le couple se réunisse à nouveau», explique Ruijiao Sun.

Et c’est là que les choses se compliquent. Mâles et femelles vont passer des mois à planer, grâce à leurs ailes d’une envergure dépassant trois mètres, sur plusieurs centaines de kilomètres par jour, au-dessus des eaux de l’océan Indien austral. Mais dans des zones distinctes, les mâles plus au sud que les femelles, qui cherchent pitance dans des eaux plus fréquentées par les chalutiers utilisant des lignes de traîne. Et là, «si l’albatros essaie d’attraper le leurre, il coule», explique Stéphanie Jenouvrier.

Divorce plus fréquent chez les jeunes couples

Résultat, la population de grands albatros est majoritairement mâle, avec un certain nombre de veufs n’entendant visiblement pas le rester trop longtemps. C’est là qu’intervient le facteur de personnalité. Les chercheurs ont mesuré celle de presque 2000 individus, sur dix ans, avec une échelle de réaction à l’approche d’un humain jusqu’à cinq mètres. Du plus audacieux, qui ignore l’intrus, jusqu’au plus timide, qui abandonne le nid, ce qui est très rare. 

«Certains sont très audacieux, d’autres très timides, et la plupart, entre les deux», selon Ruijiao Sun. En croisant ces mesures avec celles du taux de divorce, les chercheurs en ont conclu que «les mâles timides divorcent plus que les mâles audacieux». Un mâle timide en couple préférera filer à l’anglaise plutôt que de se confronter à un veuf en mal de compagnie du sexe opposé. 

Pour autant, la personnalité des protagonistes n’explique pas tout. «D’autres facteurs sont à l’œuvre, remarque Stéphanie Jenouvrier, les individus qui sont dans une relation de long terme sont moins susceptibles de divorcer que les jeunes couples».

(AFP)

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