La victime oubliée de l'affaire Pastor n’est pas un «détail»

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MonacoLe pauvre hère tué avec sa patronne milliardaire n’est pas un «détail»

Wojciech Janowski, l’ex-gendre d’Hélène Pastor, soupçonné d’être le commanditaire du guet-apens mortel, est rejugé en appel. Il avait été condamné à la prison à vie.

La fille d’Hélène Pastor, Sylvia Ratkowski-Pastor (au centre), aux côtés de son avocat Dominique Mattei (à gauche) pour l’ouverture du procès en appel à  Aix-en-Provence,  le 18 octobre 2021.

La fille d’Hélène Pastor, Sylvia Ratkowski-Pastor (au centre), aux côtés de son avocat Dominique Mattei (à gauche) pour l’ouverture du procès en appel à Aix-en-Provence, le 18 octobre 2021.

AFP

Au milieu du drame familial des Pastor, richissime famille monégasque, Mohamed Darwich, immigré égyptien parti de rien, est la victime oubliée. La mort du majordome, assassiné avec la milliardaire Hélène Pastor, est pourtant plus qu’un simple «détail» dans le procès en appel.

«Pour moi, il n’a jamais été un détail, c’était mon père», a lancé son fils Wassim, devant la Cour d’appel d’assises des Bouches-du-Rhône où est rejugé Wojciech Janowski, l’ex-gendre de la milliardaire, soupçonné d’être le commanditaire du guet-apens mortel.

«Vu d’Égypte, c’est un conte de fées», insiste l’avocat de la famille Darwich, interrogé par l’AFP en marge de ce nouveau procès prévu jusqu’à mi-novembre à Aix-en-Provence: «Il ne savait pas lire et écrire. Il était dans une misère crasse, orphelin de père très jeune, à la tête d’une fratrie de six sœurs et un frère (...), et il est devenu l’homme de confiance d’une des femmes les plus riches du monde».

«Tous les médias parlent de lui comme le chauffeur. Mais vous savez, il était vraiment l’homme de confiance d’Hélène Pastor», l’héritière d’un empire immobilier estimé à 12 milliards d’euros, insiste Me Arthur Sussmann.

Chic et prévenant

Originaire d’Alexandrie, Mohamed Darwich immigre d’abord en Italie, puis sur la Côte d’Azur, où il devient cuisinier avant d’entrer au service de la famille Pastor.

Un peu renfermé, mais prévenant, il est toujours très chic, en costume-cravate. «Il a passé toute sa vie à travailler, j’ai très peu de souvenirs avec lui», raconte son fils Wassim. «Une fois, il a pris une semaine de vacances pour mes 20 ans», poursuit sa sœur Reham.

À l’audience, ses enfants dressent avec retenue le quotidien de ce fidèle employé de maison. Le matin c’est lui qui ouvrait la maison de «Madame Hélène», puis lui qui fermait à clé en partant le soir.

Présence rassurante

Le fils d’Hélène Pastor, Gildo, a confié vendredi à la Cour qu’il était «un grand professionnel», qu’ils s'entendaient «très bien» et que sa présence à ses côtés était rassurante pour cette femme de nature craintive et qui se sentait menacée par son gendre, selon lui.

«Je l’aidais pour qu’il apprenne par cœur des recettes sur YouTube», rapporte son fils, apprêté comme son père sur les bancs des parties civiles.

Wassim aussi est au service des Pastor, comme concierge dans un de leurs immeubles monégasques. Depuis le drame, leur relation est restée «un rapport d’employeur-employé», explique-t-il.

«La valeur du sac à main»

Mohamed Darwich a 63 ans quand il est tué devant un hôpital de Nice, avec sa patronne, qui venait rendre visite à son fils Gildo, victime d’un AVC. Ce jour-là, c’est lui qui conduisait: il acceptait tous les rôles face à l’important turn-over des employés.

Wassim apprend la fusillade sur Facebook, quand la fille d’Hélène Pastor, Sylvia, l’apprend de la bouche du Ministère de l’intérieur de la Principauté. Deux mondes qui vivent ensemble mais ne se rencontrent jamais vraiment.

Crime maquillé

Dans le projet criminel tel que présenté par l’un des coaccusés, Wojciech Janowski, le compagnon de Sylvia, voulait maquiller l’assassinat de sa belle-mère en crime crapuleux. Pour cela, il fallait aussi voler son sac à main et tuer son chauffeur: prix de ce travail supplémentaire, 20’000 euros pour le sac, 20’000 euros pour Mohamed Darwich.

«Ce chiffre est dur, mais je ne pense pas qu’il y ait de chiffre de doux dans ce cas», confie Wassim à l’AFP.

«La place de Mohamed Darwich permet de prendre l’ampleur du projet criminel. ll n’existait pas, il avait la valeur du sac à main, il était complètement chosifié. C’est ce qui explique qu’ils aient été condamnés à la perpétuité en première instance», estime Me Sussmann.

Au premier procès en 2018, les avocats de Wojciech Janowski à l’époque, dont Eric Dupond-Moretti, aujourd’hui ministre de la Justice, avaient avoué que leur client, qui avait changé plusieurs fois de positions dans ce dossier, était coupable d’avoir commandité l’assassinat d’Hélène Pastor, mais pas celui de Mohamed Darwich.

Malgré cette stratégie de défense, il avait été condamné à la prison à vie, tout comme le guetteur et le tueur présumé, rejugés à ses côtés.

(AFP)

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