VenezuelaLa Cour suprême suspend la primaire de l’opposition
Quelques jours après l’allégement des sanctions américaines, en échange de progrès dans le processus électoral, la Haute Cour accuse l’opposition d’avoir gonflé les chiffres de sa primaire.
La Cour suprême du Venezuela a suspendu, lundi, «tous les effets» de la primaire de l’opposition du 22 octobre, quelques jours à peine après l’allégement des sanctions américaines en échange de progrès dans le processus électoral.
La primaire, qui visait à désigner un candidat de l’opposition pour affronter le président Nicolás Maduro lors de la présidentielle de 2024, a vu une victoire écrasante (92%) de la libérale María Corina Machado, avec une participation surprise de 2,4 millions de personnes. Le pouvoir accuse l’opposition d’avoir «gonflé» les chiffres.
«Tous les effets des différentes phases du processus électoral mené par la Commission nationale des primaires (CNP) sont suspendus», indique l’arrêt publié sur le site internet de la plus haute juridiction du pays.
À Washington, le porte-parole du département d’État a averti que les États-Unis «prendront des mesures si Maduro et ses représentants ne respectent pas leurs engagements en matière de feuille de route électorale».
Parallèlement, le procureur Tarek William Saab a ouvert une enquête et convoqué, lundi, Jesús María Casal, président de la CNP, et d’autres membres de son équipe.
«Citoyenne disqualifiée pour quinze ans»
La primaire s’est tenue cinq jours après la signature, à la Barbade, d’un accord entre gouvernement et opposition, prévoyant notamment que les autorités ne perturberaient pas la primaire et d’organiser la présidentielle au second semestre 2024, en présence d’observateurs internationaux.
Cet accord a conduit les États-Unis à alléger l’embargo pétrolier imposé au Venezuela pour six mois. Washington demande notamment que les inéligibilités d’opposants comme María Corina Machado soient levées. Or, dans sa décision, la Cour suprême la qualifie de «citoyenne disqualifiée pour 15 ans», réaffirmant l’inéligibilité pour corruption présumée et soutien aux sanctions américaines.
«Comment peut-on suspendre quelque chose dont les effets ont déjà eu lieu?» s’étonne Ali Daniels, coordinateur de l’ONG Access to Justice. «L’objectif principal et unique de la primaire était de choisir un candidat. C’est fait.»
Punitions?
La justice vénézuélienne exige tous les documents de la primaire, y compris les cahiers de vote, que l’opposition ne veut pas dévoiler, afin de protéger l’identité des votants et éviter des représailles du pouvoir à leur encontre.
L’analyste Luis Vicente León exclut, lui, un retour en arrière américain dans un contexte mondial de crise énergétique et de tensions sur les prix du brut. «Il pourrait y avoir des punitions, une refonte de la stratégie américaine pour continuer à faire pression sur Maduro, a-t-il déclaré. Le dilemme aujourd’hui, c’est les licences pétrolières ou les élections.»