Hockey sur glaceUne «finalissima», le match de toute une carrière
En Suisse, les statistiques des matches décisifs sont en faveur de l’équipe évoluant à l’extérieur. Deux joueurs racontent leur expérience d’un duel pour le titre.
- par
- Ruben Steiger
«On a travaillé toute l’année pour pouvoir jouer ce septième match à domicile.» Quelques minutes après le revers concédé à Bienne mardi soir, Jan Cadieux a tenté de se montrer positif en mettant en avant l’avantage de jouer cette «finalissima» aux Vernets.
De prime abord, cette donnée représente un avantage certain. Les chiffres le prouvent. En Suisse, les septièmes actes, toutes séries confondues, ont tourné dans plus de 80% en faveur de l’équipe à domicile. De plus, les Aigles sont impressionnants sur leur glace, avec huit victoires en neuf rencontres durant ces play-off. Le seul faux pas remonte à l’acte III de la finale, lorsque Yanick Stampfli a offert la victoire aux Seelandais en prolongation. Pourtant, cet avantage n’en est plus forcément un quand il s’agit d’une finale.
Depuis l’introduction des play-off lors de l’exercice 1985-1986, la première division a connu dix «finalissima», dont trois au terme de séries au meilleur des cinq matches. Sept fois, c’est la formation jouant à l’extérieur qui a soulevé le trophée. Il n’y a que Zoug (en 2022 contre les ZSC Lions), Berne (en 2010 contre GE Servette) et Davos (en 2007 contre Berne) qui ont triomphé devant leur public.
Casser l’ambiance
«Ces chiffres ne me surprennent pas vraiment, déclare Guillaume Asselin. Quand tu joues le match VII à l’extérieur, tu sais que tu n’es pas favori et la pression n’est pas de ton côté.» L’attaquant du HC Ajoie connaît bien cette situation. En 2018, alors qu’il évoluait en Slovaquie avec Banska Bystrica, il avait remporté la «finalissima» sur la glace du Dukla Trencin.
«Tu as envie de gâcher la fête des adversaires. La patinoire entière s’attend et rêve de gagner et tu détiens les moyens de briser cela en repartant avec le trophée. En ce sens, une motivation supplémentaire apparaît.»
«On a aussi ressenti cela avec Zurich la saison passée, confirme Marco Pedretti. Pour nous, la situation était spéciale car on a bénéficié de plusieurs pucks de titre. Les pronostics étaient contre nous et on avait aussi envie de faire taire nos détracteurs, mais on n’avait pas réussi.»
Poussé par le public
L’attaquant du Lausanne HC faisait partie de l’équipe des ZSC Lions renversée par la remontada zougoise en 2022, complétée à la Bossard Arena. «Je ne m’attendais pas à ce que les statistiques soient en faveur des visiteurs. Personnellement, si je devais rejouer un match VII, j’aimerais que ce soit à domicile.»
Si la pression se situe dans le camp de l’équipe hôte, elle est compensée par l’ambiance d’une arène acquise à sa cause. Ce fort soutien populaire peut décupler les forces et la motivation. «L’énergie provoquée par la foule te galvanise et se renforce si tu marques le premier goal, raconte Guillaume Asselin. Je préférerais aussi jouer une partie décisive à la maison, même si la situation nous avait souri.»
L’antre genevois, parfois ronronnant pendant le championnat, a retrouvé toute sa ferveur dans cette finale. Lors de l’acte V, à mesure que les buts tombaient, les Vernets se déchaînaient et la formation d’Antti Törmänen a fini par sombrer.
Le souvenir d’une carrière
À entendre Guillaume Asselin se remémorer sa soirée à Trencin, on comprend vite qu’il y a vécu le meilleur moment de sa carrière. Le Québécois du HC Ajoie se souvient du nom ainsi que de l’ordre de tous les buteurs. Et même de l’écart entre les différentes réussites.
«Quand on me demande mon meilleur souvenir de hockeyeur, je réponds immédiatement ce match. Il n’y a rien de plus fort qu’un acte VII dans une finale. C’est magique et les émotions sont intenses. Tu donnes tout parce que tu sais qu’il n’y a plus rien ensuite.»
Même quand on se situe dans le mauvais camp, une telle rencontre reste en mémoire. «Je m’en rappellerai toute ma vie, assure Marco Pedretti. Mais c’est un souvenir qui va me rester en travers de la gorge. Je rêve d’avoir une deuxième chance et que la finalité soit différente.»
Ce jeudi soir, GE Servette et Bienne vont se battre âprement pour soulever le trophée au terme d’un affrontement qui restera, à coup sûr, gravé dans les mémoires de tous les participants.