Procès d’un «Beatle» – Une Américaine raconte son vain plaidoyer pour sauver sa fille, otage de l’EI

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Procès d’un «Beatle»Une Américaine raconte son vain plaidoyer pour sauver sa fille, otage de l’EI

La mère d’une Américaine capturée par l’EI en Syrie en 2013 a raconté mardi au procès d’un des ravisseurs présumés, ses efforts infructueux pour convaincre les djihadistes d’épargner sa fille.

Carl Mueller et Marsha Mueller, les parents de Kayla Mueller, le 2 septembre 2021 à Alexandria.

Carl Mueller et Marsha Mueller, les parents de Kayla Mueller, le 2 septembre 2021 à Alexandria.

AFP

Sept ans après la mort de Kayla Mueller, sa mère Marsha a livré un témoignage poignant dans un tribunal fédéral près de Washington, où est jugé depuis une semaine El Shafee el-Sheikh, un homme de 33 ans déchu de sa nationalité britannique.

Arrêté en Syrie en 2018, il est accusé d’avoir fait partie d’une cellule de djihadistes de l’EI spécialisés dans l’enlèvement et l’exécution d’otages occidentaux, qui avaient été surnommés «les Beatles» par leurs prisonniers en raison de leur accent britannique.

Kayla Mueller fut l’une de leurs proies, avec au moins 26 autres journalistes et humanitaires. «Elle a toujours voulu aider les autres», a souligné sa mère, en racontant comment sa fille était partie en Syrie après avoir travaillé dans un orphelinat en Inde et enseigné l’anglais à des réfugiés tibétains à Dharamsala.

«Comme une invitée»

En août 2013, la jeune femme, qui n’a pas encore 25 ans, est enlevée alors qu’elle roule avec son petit ami syrien Rodwan Safarjalani vers un hôpital où il doit réparer une antenne satellitaire.

Ses geôliers exigent cinq millions de dollars pour la relâcher, ou la libération d’une Pakistanaise, Aafia Siddiqui, détenue aux États-Unis pour avoir tenté de tuer des soldats américains.

«Nous ne voulons pas lui faire de mal», écrivent-ils à la famille Mueller.  «Elle est comme une invitée chez nous», ajoutent-ils, tout en notant, menaçants, que Kayla «restera en prison à vie comme Aafia Siddiqui» si leurs demandes ne sont pas satisfaites.

Dans un de leurs messages, les parents de la jeune fille soulignent que la somme demandée est «astronomique pour une famille aux ressources limitées». Une autre fois, ils précisent que son père vient de prendre sa retraite. La réponse ne se fait pas attendre: «Prendre votre retraite ne va pas vous aider à retrouver votre fille, alors retournez au boulot et gagnez de l’argent!»

«Pitié»

Le gouvernement américain leur assure que les djihadistes «ne feront pas de mal à une femme». Pour s’en assurer, Marsha Mueller enregistre une vidéo à l’adresse du chef de l’EI, Abou Bakr al-Baghdadi. «Kayla n’est pas votre ennemie», lui dit-elle. «Faites preuve de pitié et libérez notre fille.»

À la barre, elle n’a pas précisé le rôle que cet homme est soupçonné d’avoir joué dans le calvaire de sa fille. Mais à l’ouverture du procès, le procureur John Gibbs a précisé qu’une femme yazidie, ancienne prisonnière de l’EI, viendrait raconter aux jurés comment Kayla Mueller avait été livrée à al-Baghdadi, transformée en «esclave», et «violée à de multiples reprises».

En février 2015, après des mois de silence, l’EI assurera à sa famille que Kayla a été tuée dans une attaque aérienne menée par la Jordanie. Une explication qui n’a jamais convaincu les autorités américaines.

Son décès, et l’exécution de trois otages américains mise en scène dans des vidéos de propagande, valent à El Shafee el-Sheikh d’être jugé aux États-Unis.

Perpétuité encourue

Lors d’une interruption de l’audience, le petit ami syrien de Kayla Mueller a lancé en arabe à l’accusé qu’il finirait en enfer. Tout en l’admonestant, le magistrat T.S. Ellis a autorisé Rodwan Safarjalani à rester dans le public, jugeant ses propos «prédictifs» plutôt que «menaçants».

El Shafee el-Sheikh reconnaît avoir été combattant dans les rangs de l’EI mais nie avoir fait partie des «Beatles», malgré des interviews accablantes et la reconnaissance de culpabilité d’Alexanda Kotey, avec qui il a été arrêté par les forces kurdes syriennes. Son procès doit encore durer deux semaines. Il encourt la rétention à perpétuité, les États-Unis s’étant engagés à ne pas requérir la peine de mort afin d’obtenir la coopération de la justice britannique.

(AFP)

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