ArgentineManifestations massives pour défendre l’université publique
Des centaines de milliers d’Argentins ont manifesté ce mardi pour soutenir l’université publique, menacée par les mesures d’austérité du président Milei.
Des centaines de milliers d’Argentins, étudiants au premier rang, ont manifesté mardi à Buenos Aires et en province contre la politique d’austérité du gouvernement ultralibéral de Javier Milei et «en défense de l’université publique gratuite», marches dénoncées comme «politiques» par l’exécutif.
Dans la capitale, la mobilisation, probablement la plus importante depuis le début de la présidence Milei en décembre, a rassemblé «entre 100’000 et 150’000» personnes, selon une source policière, et un demi-million, selon l’Université de Buenos Aires (UBA). Un syndicat enseignant a fait état d’un million de manifestants à l’échelle du pays.
À Buenos Aires, étudiants, parents, enseignants, agents d’université, mais aussi des syndicats et membres de partis d’opposition, ont paralysé tout l’après-midi le centre de Buenos Aires, aux abords du Parlement, jusqu’à la Place de Mai, siège de la présidence à 2 km, noire de monde en fin de journée, a constaté l’AFP.
«Attaque brutale»
D’autres rassemblements en province ont mobilisé la soixantaine d’universités publiques du pays, auxquelles s’étaient jointes des instituts privés. À Cordoba (centre), siège de la plus ancienne université du pays fondée au début du XVIIe siècle, le cortège a rassemblé des dizaines de milliers de personnes.
À Buenos Aires, dans une ambiance festive, des étudiants brandissaient symboliquement un livre à bout de bras, dénonçant «une attaque brutale» contre l’université, comme déplorait à l’AFP Pablo Vicenti, étudiant en médecine de 22 ans: «Ils veulent lui couper les vivres en prétendant qu’il n’y a pas d’argent. Il y en a, oui, mais ils choisissent de ne pas le dépenser dans l’éducation publique».
Les universités publiques, qui accueillent plus de 2,2 millions d’étudiants, se disent «en urgence budgétaire» depuis que le gouvernement a décidé de maintenir, pour l’année universitaire 2024 (qui a débuté en mars) le budget 2023, malgré une inflation de 288% sur douze mois. Et ce dans le cadre d’une austérité budgétaire tous azimuts, pour viser un «déficit zéro» en fin d’année, objectif du gouvernement Milei, et dompter l’inflation.
«Endoctrinement» ou excellence?
Pour plusieurs établissements, c’est une menace de paralysie, et certaines sections de la prestigieuse UBA ont récemment mis en place des économies d’urgence: parties communes non éclairées, usage restreint des ascenseurs, heures de bibliothèque réduites, etc.
La Faculté des sciences exactes de l’UBA, qui forma notamment le Nobel de Médecine/Physiologie 1984 Cesar Milstein, a ainsi en place un décompte en ligne jusqu’au jour où son budget 2024 sera épuisé. Mardi à l’heure de la manifestation, il lui restait 37 jours, 9 heures et 15 minutes.
La grande centrale syndicale CGT s’est jointe à la protestation, ainsi que des organisations de gauche radicale, des politiciens d’opposition, prêtant le flanc à l’accusation de «manifestation politique» de l’exécutif. Milei a rajouté de l’huile sur le feu, accusant certaines universités publiques d’être des lieux d’«endoctrinement» de gauche.
«Graves problèmes»
Le sous-secrétaire d’État aux Universités, Alejandro Alvarez, a mis en garde les manifestants et leurs soutiens. «Qu’ils fassent ce qu’ils veulent, mais tant que Javier Milei sera président, l’argent public qui va aux Universités sera AUDITE (…) nous instaurons une inspection et un audit qui n’existaient pas», a-t-il indiqué sur X.
Le porte-parole présidentiel Manuel Adorni a souligné lundi que l’éducation publique argentine a été par le passé «un phare éducatif en Amérique» mais que «depuis des décennies l’université a de graves problèmes (…) et des taux d’achèvement d’études qui plongent».
«On ne peut pas remettre en question 200 ans d’histoire. Même avec un budget très faible, l’UBA figure parmi les trois meilleures universités d’Amérique latine», protestait le doyen de la Faculté de médecine de l’UBA, Luis Brusco.