FootballAnalyse: la Suisse en perte de repères défensifs
À l’image de ses deux défaites en Tchéquie (2-1) et au Portugal (4-0), l’équipe nationale est incapable de gérer défensivement son adversaire. Illustrations.
C’est une des vertus de l’analyse: faire la lumière sur les vrais problèmes, et atténuer ceux qui n’en sont pas vraiment. Dimanche soir, pour mettre des mots sur la débâcle de Lisbonne, l’équipe de Suisse en son complet (entraîneur et joueurs) avait identifié un aspect tactique qui n’avait pas fonctionné: les transitions défensives, celles qui concernent l’attitude une fois la balle perdue, avaient été trop mal jouées pour espérer un résultat meilleur que ce 4-0 en faveur du Portugal.
A posteriori, la critique est nuancée. Il est vrai que l’équipe nationale n’a pas été exemplaire en la matière. Il y a des séquences qui illustrent le manque d’activité à la perte de balle, comme le repli négligé. Mais elles ne concernent pas vraiment la première mi-temps, là où tout s’est joué. Les Expected Goals sont d’ailleurs éloquents pour la Suisse: elle a concédé 3,92 xG aux Portugais sur l’ensemble du match, mais seulement 0,44 xG avant la pause. Autrement dit, lorsqu’elle a vraiment peiné en transition, la Suisse a subi des occasions beaucoup moins franches que lorsqu’elle a encore été capable d’offrir du répondant.
C’est ce qui inquiète: la phase de jeu dans laquelle la sélection de Murat Yakin éprouve le plus de difficultés en ce mois de juin est la phase défensive. Un aspect du jeu auquel le technicien est réputé pour accorder beaucoup d’attention. Décryptage de cette faillite, qui a concerné au moins autant la partie en Tchéquie (défaite 2-1) que celle de Lisbonne.
Quelle approche?
Un préambule, d’abord, qui permet d’évacuer le débat: le système n’est, en l’occurrence pas une manière d’expliquer l’une ou l’autre défaite. Les soucis qui vont être décrits ici ont été communs aux 4-4-2 et 4-1-4-1 de Prague, comme au 4-2-3-1 de Lisbonne. Et ils ont été reproduits que l’adversaire joue avec une défense à trois (les Tchèques) ou à quatre (les Portugais). Notamment parce qu’il y a une incompréhension de départ: l’incapacité à déceler comment défend la Suisse.
Le football moderne suggère une certaine flexibilité et une jonglerie entre les temps forts et les temps faibles. Mais cela n’empêche pas d’avoir une idée sur la hauteur du bloc à la base. Ce qui semble commun aux deux rencontres disputées jusqu’ici, c’est une volonté de pouvoir être assez agressif. Mais le bloc a souvent peiné à remonter ensemble. Donnant lieu à des périodes prolonges de bloc médian, voire bas. Et puisque aucune phase n’a semblé véritablement maîtrisée, cela a découlé sur de véritables problèmes structurels.
Un pressing incohérent
Ce qui transparaît, c’est le sentiment que la Suisse n’a pas fait grand-chose de juste, que ce soit contre la Tchéquie ou le Portugal. Et notamment en ce qui concerne le pressing, point de départ d’une organisation défensive défaillante. Plus concrètement, c’est l’envie d’impliquer le milieu droit, dans une intention de pression orientée vers l’intérieur, qui a rendu l’approche de l’équipe nationale incohérente. C’est en effet du côté droit que tout partait: Sow à Prague, Steffen au Portugal ont proposé des courses pour inciter le défenseur central gauche à jouer vers l’intérieur du jeu.
Cela n’a que très rarement fonctionné. Parce que ce pressing manquait d’organisation. Et il devenait trop facile pour l’adversaire de toucher son latéral. En un ou deux temps celui-ci était sollicité. En a résulté le besoin pour le latéral suisse de sortir sur celui-ci. Tous les déséquilibres partent de là. Pourtant, cela était l’intention de Murat Yakin, puisque le schéma a été reproduit à plusieurs reprises, autant jeudi que dimanche: le latéral droit helvétique devait enclencher la pression sur le latéral gauche adverse.
C’est un peu la source du déséquilibre. Puisque le latéral sort très haut, le défenseur central aligné de son côté doit l’accompagner et suivre son déplacement. Dès lors, le bloc suisse était avancé dans le camp adverse. Autrement dit, il y avait de l’espace à exploiter dans le camp helvétique, tant le bloc était déstructuré. C’est un premier aspect du problème fondamentalement structurel.
L’autre étant intimement lié aux déplacements adverses. Là où la Suisse a perdu foi en sa structure et en son approche, c’est lorsque la Tchéquie, comme le Portugal, se sont décidés à bouger d’une manière imprévisible. Par exemple, lorsque dimanche, William Carvalho se plaçait entre le latéral et l’ailier. Qui pour sortir sur lui? Pareil quand, jeudi, un milieu se permettait de plonger dans la zone du défenseur central. Il fallait le gérer. Et tout est devenu plus compliqué pour la Suisse.
Éloge de la désunion
C’est une des caractéristiques majeures de l’équipe de Suisse en ce début d’été: l’incapacité à agir en zone. Tout déplacement est géré de manière individuelle. Et cela a tendance à mettre en difficulté l’un ou l’autre partenaire. Par exemple, un adversaire qui se déplace dans un espace «imprévu par le système» (à l’instar d’un milieu défensif dans la zone du latéral) peut conduire à une certaine incompréhension.
Pour résumer, toute mobilité adverse est de nature à attirer un élément de l’équipe nationale. Ainsi, lorsque leur vis-à-vis se déplace, il est suivi: le décrochage de l’attaquant est anticipé, le dézonage du milieu est suivi ou le latéral est mis sous pression. En résultent des lignes déstructurées et des espaces qui se créent à l’intérieur du bloc helvétique.
C’est souvent sur les côtés que la Suisse a principalement été mise en difficulté. Par exemple, lorsqu’un latéral adverse touchait le ballon. Alors le latéral suisse se sentait obligé de sortir sur lui, suivi par le défenseur central aligné de son côté. Simplement, les paires Schär-Elvedi, puis Schär-Frei, ne se sont pas distingués par la complicité. De nombreux espaces se sont dégagés entre les défenseurs centraux suisses. Preuve d’un manque de cohérence.
En résumé, en équipe de Suisse, pas grand-chose ne fonctionne lorsque le ballon est dans les pieds de l’adversaire. Est-ce dû à Murat Yakin? Probablement, puisque l’intention de pressing vient assurément de lui. Le reste en découle.
Est-ce à dire que l’équipe de Suisse est incapable de presser? Pas forcément. Simplement que le schéma adopté est source de quantité d’ennuis. Et que la Suisse n’a plus de repères défensifs.