TélévisionJean-Pierre Pernaut, Monsieur «13h»
Il avait façonné le rendez-vous de la mi-journée de TF1 à son image: proche des préoccupations de la France profonde. Ce qui lui a valu quelques moqueries. Et un triomphe d’audience.
- par
- Laurent Siebenmann
Le 18 décembre 2020, Jean-Pierre Pernaut présentait son dernier «13h» de TF1. Un moment de télévision forcément rempli d’émotion, après plus de trente ans aux commandes de la grand messe de la mi-journée sur la Une. Car le journaliste l’avait tellement façonnée, travaillée à son image que ces deux-là semblaient indissociables. Impossible d’imaginer ce journal télévisé présenté par quelqu’un d’autre. Ce que, pourtant, Marie-Sophie Lacarrau a réussi, depuis.
On a du mal à s’en souvenir mais, lorsque Jean-Pierre Pernaut, décédé ce 2 mars 2022 à 71 ans, a pris en main le «13h», après la mise au placard d’Yves Mourousi, personne ne misait un centime sur lui. Jusqu’à ce 22 février 1988, il n’avait pas spécialement été remarqué. Coprésentateur du journal aux côtés de Mourousi de 1978 à 1980, il était chargé de lancer les sujets du jour, en plateau, pendant que le grand Yves officiait depuis un porte-avions, suspendu sous un hélicoptère ou en direct de la place Rouge, à Moscou. Pernaut, c’était un peu l’homme de l’ombre, le bon élève discret et appliqué qui, parfois, présentait la rubrique économique ou même le «20h».
Les Français d’abord
Mais tout a changé depuis ce fameux mois de février 1988. Rapidement, Jean-Pierre Pernaut, né à Amiens, s’intéresse aux régions de la France profonde. Là où Mourousi privilégiait l’international, les grands événements et le showbiz, il veut parler des Français. Tous les Français. Il façonne alors un «13h» qui prend le pouls de l’Hexagone. Et ça marche. Gentiment mais sûrement, ses audiences montent, explosent. Jusqu’à 10’550’000 téléspectateurs (!) le 2 décembre 1997. La concurrence lui lance de redoutables concurrents dans les pattes, rien n’y fait.
Alors, bien sûr, l’aspect «journal des régions» de Jean-Pierre Pernaut est régulièrement moqué. On accuse le présentateur de populisme, de dénaturer son journal. De préférer un sujet sur un sabotier plutôt qu’un grand fait d’actu national. Mais il n’en a cure. D’un tempérament carré, voire parfois un tantinet colérique, Pernaut trace son chemin, fort de ses audiences et d’une incroyable popularité qui lui vaut d’animer d’autres rendez-vous, comme l’émission «Combien ça coûte?» toujours sur TF1.
Une opinion marquée
Les dernières années, il n’hésite plus à, parfois en sortie de reportage, donner son avis. À lâcher des phrases sibyllines qui sont autant de marqueurs de son opinion. Pas très à gauche, Pernaut? Il ne s’en cache pas et assume. Les Guignols le brocardent sur Canal+? Il ne s’en émeut (presque) pas.
Les téléspectateurs, eux, lui font un triomphe, en font un membre de la famille. Celui qui s’invite à leur table et leur raconte la marche du monde et la vie des Français.
Aussi, lorsque Jean-Pierre Pernaut annonce son cancer de la prostate, en 2018, puis son départ du «13h» et son cancer du poumon, on sent une réelle émotion chez le public. Le journaliste, toujours avec cette franchise qui le caractérisait, avait voulu parler en toute transparence du mal contre lequel il se battait. «Pour que la maladie ne fasse plus peur», disait-il.
En novembre dernier, Jean-Pierre Pernaut se voulait encore rassurant, en parlant de son cancer du poumon: «J’ai appris cette maladie au mois de mai dernier. J’ai subi une première opération début juillet. Un traitement qui continue depuis quelques semaines. (…) Et si j’en parle, d’abord parce qu’il ne faut pas avoir peur du cancer. J’en ai déjà eu un de la prostate, vous le savez. J’en ai parlé pour améliorer la prévention. Même chose pour le poumon. J’ai cru que cela ne pouvait arriver qu’aux autres. Pendant des années et des années on m’a dit d’arrêter de fumer. Je n’y ai pas cru, ben j’aurai dû arrêter. Voilà, je vous tiendrai au courant, tout va bien pour l’instant.»
En 1988, au moment de sa nomination, «Le Figaro» s’était moqué de cet inconnu qui allait succéder au grand Mourousi en titrant: «Jean-Pierre qui?» C’était Pernaut, Messieurs. Jean-Pierre Pernaut.