En contrôlant des protéines, l’EPFL peut soigner des maladies

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BiotechnologieEn contrôlant des protéines, l’EPFL peut soigner des maladies

Des scientifiques ont découvert comment trouver rapidement des angles d’attaque pour, par exemple, empêcher le coronavirus d’infecter une cellule ou cibler des cellules cancéreuses.

Comm/M.P.
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Les surfaces des protéines sont très diverses et dynamiques, si bien qu’il est difficile de prédire comment et où les liaisons vont se faire. Grâce à l’intelligence artificielle, on y parvient désormais en quelques minutes.

Les surfaces des protéines sont très diverses et dynamiques, si bien qu’il est difficile de prédire comment et où les liaisons vont se faire. Grâce à l’intelligence artificielle, on y parvient désormais en quelques minutes.

Ella Maru Studio

Depuis 2019, des scientifiques de l’EPFL cherchent un moyen de contrôler les interactions entre protéines. C’est important, puisqu’elles influencent aussi bien la croissance des cellules que les réponses immunitaires. On sait notamment que le coronavirus infecte une cellule saine en s’y attachant à l’aide de sa protéine Spike. En contrôlant ces interactions, on pourrait donc trouver des traitements à certaines maladies et cela représente un grand intérêt en biologie et en biotechnologie.

Des millions de surfaces scannées en quelques minutes

Les scientifiques du laboratoire de conception de protéines et d’immuno-ingénierie (LPDI), commun à la Faculté des sciences de l’ingénieur et à la Faculté des sciences de la Vie de l’EPFL, dirigé par Bruno Correia, viennent d’atteindre leur objectif. Ils ont développé MaSIF, une méthode basée sur l’intelligence artificielle qui permet de scanner des millions de surfaces de protéines, en l’espace de quelques minutes, pour analyser leur structure et leurs propriétés. L’objectif ultime des chercheurs était de concevoir par ordinateur des interactions entre protéines, en trouvant des correspondances optimales entre les molécules sur la base de leurs «empreintes» de surface chimiques et géométriques.

S’il peut paraître simple de représenter une liaison protéique en y voyant un simple assemblage de pièces de puzzle, la réalité est plus complexe: les surfaces des protéines, très diverses, sont aussi dynamiques, si bien qu’il est difficile de prédire comment et où les liaisons vont se faire. «Une pièce de puzzle est bidimensionnelle. Avec les surfaces des protéines, nous avons affaire à de multiples dimensions: composition chimique, comme les interactions de charge positive/négative, complémentarité de forme, courbure, etc.», explique Anthony Marchand, étudiant-doctorant au LPDI et coauteur de l’étude qui vient de paraître dans «Nature».

«Ce n’est pas un outil, c’est un pipeline»

«L’idée que, dans la nature, tout ce qui se lie est complémentaire (une charge positive et une charge négative par exemple) est une notion de longue date dans le domaine, que nous avons intégrée dans notre cadre computationnel.»

MaSIF permet de créer des «empreintes» de la surface des protéines et identifier ensuite des surfaces complémentaires pour des protéines cibles. Il faut ensuite sélectionner les ligands susceptibles d’interagir au mieux avec les cibles. «Le fait que nous soyons capables de concevoir de nouveaux ligands spécifiques à chaque site en l’espace de quelques mois à peine rend cette méthode extrêmement intéressante dans le domaine thérapeutique. Ce n’est pas juste un outil, c’est un pipeline», affirme Anthony Marchand.

Le Covid survient pendant la recherche

Les chercheurs étaient en train de développer des ligands protéiques pour trois grandes cibles en immunothérapie anticancéreuse quand la pandémie de Covid a éclaté, ce qui les a amenés à ajouter la protéine Spike du SARS-CoV-2 à leur liste. Basés sur cette approche, les quatre ligands qu’ils ont produits présentaient d’excellentes affinités avec leurs cibles.

Le taux de réussite de MaSIF, combiné avec sa capacité à produire rapidement des structures de haute qualité spécifiques à chaque site, démontre son potentiel thérapeutique. Ainsi, la capacité à générer aussi rapidement des ligands protéiques précis pourrait se révéler être un grand avantage pour les applications épidémiologiques, comme dans le cas de la protéine Spike du SARS-CoV-2. Anthony Marchand estime que le pipeline pourrait aussi faciliter le développement de récepteurs antigéniques chimériques (CAR-T) créés pour permettre aux cellules immunitaires du patient de cibler les cellules cancéreuses.

«De nouvelles avancées dans le domaine de l’intelligence artificielle aideront à améliorer notre méthode, mais aujourd’hui déjà, notre travail fournit une stratégie pour le développement rapide d’agents thérapeutiques à base de protéines, tout droit sorti de l’ordinateur.»

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