DiplomatieAprès la Chine, le président brésilien Lula se tourne vers le Portugal
Après l’isolement des années Bolsonaro, Luiz Inacio Lula da Silva a entamé samedi une visite au Portugal pour renouer avec l’ancienne puissance coloniale.
Pour son premier voyage en Europe depuis son retour au pouvoir en janvier, l’icône de la gauche latino-américaine Luiz Inacio Lula da Silva a choisi de faire une visite d’Etat de quatre jours chez l’ex-colonisateur dont le Brésil s’est séparé en 1822.
Arrivé à Lisbonne la veille, son programme officiel a débuté samedi matin par une cérémonie d’accueil avec honneurs militaires avant des rencontres avec son homologue Marcelo Rebelo de Sousa et le Premier ministre portugais Antonio Costa. A 77 ans, celui qui a déjà gouverné le Brésil de 2003 à 2010 souhaite remettre son pays au centre de la géopolitique mondiale et tente de jouer les équilibristes depuis le début de son mandat.
Il a voyagé dès février à Washington pour une rencontre à la Maison-Blanche avec son homologue américain Joe Biden, et a visité récemment la Chine, premier partenaire commercial du Brésil. Mais Lula a suscité une vive polémique en affirmant à Pékin que les Etats-Unis devaient cesser «d’encourager la guerre» en Ukraine et que l’Union européenne devait «commencer à parler de paix».
«Propagande russe et chinoise»
Des propos durement critiqués par Washington, qui l’a accusé de «faire l’écho de la propagande russe et chinoise». Le dirigeant brésilien a également réaffirmé que les responsabilités de la guerre déclenchée par l’invasion russe en Ukraine en février 2022 étaient partagées entre les deux pays.
Reçu lundi à Brasilia, le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov a «remercié» le Brésil pour sa «contribution» dans la recherche d’une solution au conflit, et pour «son excellente compréhension de la genèse de cette situation». Sous le feu des critiques, Lula a changé de ton mardi en condamnant la «violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine» par la Russie.
Vendredi soir, des représentants de la communauté ukrainienne ont rencontré des membres de la délégation brésilienne présente à Lisbonne et Lula a décidé d’envoyer à Kiev son principal conseiller en politique étrangère, Celso Amorim, pour qu’il rencontre le président ukrainien Volodymyr Zelensky. «Le Brésil est déterminé à contribuer à la promotion du dialogue et de la paix, et la fin de ce conflit», a réitéré Brasilia dans un communiqué.
Ce sujet épineux sera certainement abordé lorsque Lula rencontrera samedi les dirigeants du Portugal, membre fondateur de l’Otan où son ambiguïté par rapport à l’Ukraine a fait mauvaise impression.
Hommage à Chico Buarque
«La position brésilienne aux Nations unies a toujours été la même: aux côtés du Portugal, des Etats-Unis et de l’Otan. (...) Si le Brésil change de position cela ne regarde pas le Portugal, qui maintiendra sa position et nous serons en désaccord», avait réagi en début de semaine le président Rebelo de Sousa.
Les deux «pays frères» souhaitent tout de même marquer leur nouveau rapprochement et, à l’occasion du sommet luso-brésilien qui se tiendra samedi après-midi, le premier en sept ans, une douzaine d’accords bilatéraux doivent être signés, notamment dans les domaines de l’énergie, des sciences, de l’éducation et du tourisme.
Lundi, après une réunion avec des entrepreneurs près de Porto (nord), Lula prendra part à la remise de la plus haute distinction de la littérature lusophone, le Prix Camoens, au célèbre chanteur et auteur brésilien Chico Buarque.
Ce dernier, connu pour son engagement à gauche et contre la dictature militaire brésilienne (1964-1985), avait été annoncé comme lauréat en 2019, mais l’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro avait refusé de signer les documents nécessaires pour que la récompense lui soit officiellement remise.
Avant de se rendre en Espagne pour une visite de deux jours, Lula prononcera mardi un discours au Parlement portugais lors d’une séance précédant les commémorations du 49e anniversaire de la Révolution des Œillets, qui a mis fin à 48 ans de dictature au Portugal.