Football - Analyse: Xherdan Shaqiri, une 100e au service des autres

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FootballAnalyse: Xherdan Shaqiri, une 100e au service des autres

Le meneur de jeu suisse a permis à l’équipe nationale de l’emporter 4-0 contre la Bulgarie et de se qualifier pour le Mondial lundi. Ses deux passes décisives ne disent pas tout de son match dédié au collectif. Décryptage.

Valentin Schnorhk Lucerne
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Valentin Schnorhk Lucerne
Capter l’information avant la prise de balle: Xherdan Shaqiri le fait mieux que personne en équipe de Suisse.

Capter l’information avant la prise de balle: Xherdan Shaqiri le fait mieux que personne en équipe de Suisse.

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La Suisse est à la Coupe du monde et Xherdan Shaqiri avec. Si tout se passe bien d’ici à l’année prochaine, le Bâlois de 30 ans devrait disputer au Qatar son quatrième mondial après 2010, 2014 et 2018. Rien que ça. Il peut s’en féliciter. Car si l’équipe nationale a composté son ticket lundi à Lucerne, elle le doit notamment aux prestations de son meneur de jeu lors des deux affiches du mois de novembre. D’abord à son travail défensif capital sur Jorginho et la passe en transition à Okafor pour le 1-1 en Italie vendredi, et puis à la centralité qu’il a prise dans le jeu de sa formation pour le 4-0 contre la Bulgarie.

Car lundi Xherdan Shaqiri avait choisi d’être protagoniste. Cela s’est ressenti dès les premiers ballons qu’il a touchés. Encore fallait-il savoir de quelle façon. Dans ce match-là, le joueur de l’Olympique Lyonnais a mis quelque temps à chercher le rôle qu’il devrait endosser pour faire tourner la rencontre dans le bon sens. Jusqu’à ce qu’il soit lancé. Et qu’il termine la partie avec deux passes décisives, pour Noah Okafor sur le 1-0 et pour Remo Freuler sur le 4-0. Mais le total n’est pas flatteur. Décryptage du match du capitaine helvétique.

Où se situer?

En équipe de Suisse, Xherdan Shaqiri ne se perd pas sur l’aile. Il est au cœur du jeu. «Dans cette fonction de 10, il peut être mobile, se placer entre les lignes, soulignait Murat Yakin lundi soir. Quand il est en forme et qu’il a du rythme, c’est un joueur incroyable.» Restait à déterminer quelle place il devrait prendre dans la «chaîne» des actions suisses. Plutôt à la construction? Plutôt à la finition? Il s’est sans doute posé la question, peut-être par empressement dans un match que l’équipe nationale devait emballer.

L’ensemble des ballons touchés par Shaqiri lundi. Très peu dans la moitié de terrain adverse, énormément à proximité de la surface, entre les lignes bulgares.

L’ensemble des ballons touchés par Shaqiri lundi. Très peu dans la moitié de terrain adverse, énormément à proximité de la surface, entre les lignes bulgares.

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Au point de l’avoir parfois vu en début de match redescendre très bas, proche de ses centraux. Comme pour organiser les actions. Cela s’est assez rapidement révélé inutile. Face au bloc bulgare relativement passif, Fabian Schär et Fabian Frei étaient suffisants pour trouver la première passe. Et le soutien direct de Freuler et de Denis Zakaria permettait un premier relais. Autrement dit, pas besoin de Shaqiri dans cette zone.

«Shaq» a donc joué là où il pouvait être le plus pertinent: derrière la ligne de pression bulgare, devant la défense adverse. Là où il est le meilleur élément de cette équipe. Là où son orientation du corps (de trois quart, de façon à pouvoir jouer rapidement vers l’avant) et sa protection de balle s’expriment parfaitement. Son activité s’est ainsi essentiellement résumée à offrir des angles de passe entre les lignes. Sans forcer les décrochages, mais en agissant comme relais pour permettre aux actions d’avancer.

Faire briller plutôt que se faire briller

La Suisse possédait ainsi un point de passage efficace pour glisser de la zone 2 médiane à la zone 3 offensive. Shaqiri pouvait ainsi orienter les enchaînements de son équipe vers les espaces qu’il estimait pertinent. Il a ainsi plusieurs fois cherché à en profiter pour décaler un partenaire et se projeter ensuite dans la surface de réparation. Comme pour affirmer son envie d’être l’homme qui inscrirait les buts envoyant la Suisse au Qatar. Il aurait très clairement dû marquer le 2-0 à la 55e, lorsqu’il se dégageait bien du marquage avant de trouver le poteau. Une occasion en or (à 0,5xG, autrement dit une chance sur deux de marquer dans cette position), mais la seule au final.

Parce qu’il n’a pas si souvent été servi dans la position de finir. Peut-être parce que cela impliquait des centres alors que la Bulgarie quadrillait bien la surface. Peut-être aussi parce que personne ne met des ballons aussi valorisables que lui. Par pragmatisme ou par altruisme, Shaqiri a passé la plupart de la deuxième période à se mettre dans la position du passeur décisif. Pas forcément le dernier passeur, mais celui qui permet à l’action de se terminer dans les meilleures conditions.

En offrant sur un plateau le centre du 3-0 d’Itten à Renato Steffen, Shaqiri montrait qu’il avait accepté son rôle: il n’y avait pas besoin de lui dans la surface pour finir les actions. En revanche la Suisse avait besoin de lui pour y parvenir. Sa recherche de la passe qui «tue», qui permet d’arriver lancé dans la surface a causé bien des torts aux Bulgares. Surtout, Shaqiri s’est montré décisif dans l’avant-dernier geste comme rarement sous le maillot national. Il termine le match avec cinq passes clés (la passe qui mène au dernier tir). Largement au-dessus de toute l’équipe. Un standard qu’il n’avait plus atteint en sélection depuis la fameuse victoire 5-2 contre la Belgique en Ligue des nations il y a trois ans. Et cela sans compter les buts hors jeu refusés de peu à Gavranovic puis Itten.

Le coup d’œil facilitateur

Shaqiri est précieux en équipe de Suisse. Indéniablement. Parce qu’il possède des qualités intrinsèques que ses partenaires n’ont pas et qui sont presque inévitables pour trouver la solution dans des défenses regroupées. Lorsqu’il est présent, Breel Embolo peut faire la différence en misant sur sa supériorité athlétique, comme le mois dernier. Mais sans lui le coup d’œil de Xherdan Shaqiri facilite toutes les opérations.

En fait, le meneur de jeu est capable d’interpréter une situation sur un ou deux coups d’œil: avant de recevoir le ballon et après sa première touche. Son sens du «scan» lui permet de comprendre très rapidement. Cela s’est vu sur les deux buts hors jeu annulés. Mais également sur les deux assists qui lui sont crédités. Sur le 1-0 d’Okafor, il saisit d’emblée le fait que la surface est bien chargée. Tâche à lui de faire en sorte que le ballon termine au bon endroit. Et puis, sur le 4-0 de Freuler, il trouve l’information la plus pertinente en considérant que la passe en retrait est plus efficace qu’une autre.

En équipe de Suisse, Shaqiri peut chérir sa liberté. Mais son capitanat en l’absence de Xhaka lui confère des responsabilités. Celle de faire en sorte que la Suisse aille directement à la Coupe du monde en était une. Lundi, il a étincelé parce qu’il a vite compris que c’était une soirée pour les autres autant que pour lui. Cent sélections sont le gage d’un sens aiguisé du collectif.

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