Procès de «SBF»«J’ai fait plusieurs petites erreurs et aussi de grosses erreurs»
Lors de son audition vendredi, Sam Bankman-Fried, l’ex-patron de FTX, a notamment évoqué une mauvaise gestion pour expliquer la débâcle de sa plateforme d’échanges de cryptos.
L’ancien enfant chéri des cryptomonnaies Sam Bankman-Fried, en procès à New York, a tenté vendredi une contre-attaque au premier jour de son audition, chargeant notamment son ancienne collaboratrice Caroline Ellison.
«SBF» est jugé pour avoir organisé, à l’insu des clients, l’utilisation, illégale, de fonds déposés sur sa plateforme d’échanges de cryptomonnaies FTX, qui a fait faillite en novembre 2022. Jusqu’à 14 milliards de dollars (12,6 milliards de francs) ont ainsi été siphonnés pour alimenter les activités, souvent risquées, de sa société d’investissement Alameda Research.
Durant une bonne partie des cinq heures qu’a duré la première partie de son audition, vendredi, Sam Bankman-Fried a cherché à sortir du tableau en noir et blanc peint par l’accusation, qui l’a présenté comme le cerveau d’une manipulation.
«Je n’ai pas fait cela»
Le Californien d’origine a notamment tenté de justifier les passe-droits dont a bénéficié Alameda, autorisé à emprunter jusqu’à 65 milliards de dollars chez FTX, qui plus est sans fournir les garanties demandées à des clients ordinaires.
La société, dont «SBF» était l’actionnaire principal, était un teneur de marché, a-t-il expliqué, ce qui signifie qu’elle offrait aux usagers de FTX la garantie de pouvoir acheter ou vendre un actif à tout moment. Une défaillance d’Alameda, faute de ligne de crédit suffisante, «aurait eu des conséquences désastreuses pour la plateforme» FTX, a justifié l’ancien dirigeant.
Le jeune trentenaire a aussi, indirectement, mis la défaillance d’Alameda, qui a entraîné celle de FTX, sur le compte des errements de celle qu’il avait placé à sa tête durant l’été 2021, Caroline Ellison. À mesure que FTX grandissait, «il est devenu intenable pour moi de diriger les deux sociétés», a expliqué l’ancien milliardaire, dont la fortune s’est envolée avec le crash de ses sociétés. Dès lors, «je n’étais plus impliqué dans la gestion quotidienne d’Alameda», a déclaré l’accusé.
«Erreur critique»
Il a néanmoins affirmé avoir réclamé à Caroline Ellison, dès fin 2021, qu’Alameda se couvre financièrement contre une possible dégringolade du marché des cryptomonnaies. «Elle était moins enthousiaste que moi» à l’idée de cette initiative et n’a jamais mis en place ces protections, malgré des demandes répétées régulièrement, selon Sam Bankman-Fried, qui a entretenu une liaison de plusieurs mois avec Caroline Ellison.
Au printemps 2022, l’industrie des cryptomonnaies a été secouée par une série de défaillances, qui ont fait chuter la valeur de quasiment toutes les monnaies numériques et celle des actifs d’Alameda. «Le fait que nous ne nous soyons pas couverts nous a coûté davantage qu’Alameda a jamais gagné ou gagnera jamais», écrira, durant l’été 2022, Sam Bankman-Fried, selon un document interne produit à l’audience. Vendredi, il a évalué le coût de ce raté à «probablement plus de dix milliards de dollars».
«C’est le genre d’erreur critique qui est amenée à se produire si je ne suis pas aux commandes», a également communiqué l’entrepreneur aux cadres d’Alameda. Sam Bankman-Fried a aussi assuré que le montant exact de la dette d’Alameda vis-à-vis de FTX lui avait été caché jusqu’à l’automne 2022.
Costume
À l’audience, l’accusé avait remisé ses célèbres shorts et t-shirts pour un costume sage, et troqué l’abondante crinière frisée qui a fait sa légende pour une coupe courte passe-partout. Celui qui incarnait, il y a encore un an, le visage des cryptomonnaies, a reconnu avoir commis «plusieurs petites erreurs et aussi de grosses erreurs», en réponse à une question de l’un de ses avocats, Mark Cohen.
«La plus importante a été, de loin, de ne pas avoir mis en place une équipe de gestion des risques», a-t-il poursuivi. «Avez-vous escroqué qui que ce soit?» lui a demandé son conseil. «Je n’ai pas fait cela», a répondu «SBF». «Avez-vous volé de l’argent de clients?» a enchaîné Mark Cohen. «Non», a affirmé Sam Bankman-Fried.
Trois témoins clés, d’anciens collaborateurs, ont aussi mis à mal sa défense qui consistait à charger ses anciens subalternes, taxés d’incompétence ou de légèreté. Les accusés dans les procès pénaux aux États-Unis choisissent souvent de ne pas témoigner, pour éviter de s’incriminer, en particulier lors du contre-interrogatoire par l’accusation.