Européens multisportsLe cyclisme sur piste suisse pédale après sa relève
À deux ans des Jeux olympiques de Paris, Swiss Cycling fait face à un trou générationnel. Nouvel entraîneur national depuis le départ de Daniel Gisiger, Mickaël Bouget demande du temps pour le combler.
Le chantier est vaste, mais il est stimulant. Pour Swiss Cycling, le départ à la retraite en octobre dernier de son emblématique entraîneur national Daniel Gisiger a signifié la fin d'un cycle d'une quinzaine d'années. Ce congé, programmé, a pu être anticipé par la Fédération. Il a ainsi été compensé dès juin 2018 avec l’arrivée de Mickaël Bouget, qui chapeautera tant les hommes que les femmes à partir de septembre.
Depuis quatre ans, le Français a eu l’occasion d’identifier les axes d’amélioration. Ces derniers sont nombreux si l’on se réfère aux résultats poussifs (aucune médaille, dix top 10) réalisés par les pistards suisses aux Championnats d’Europe multisports. À deux ans des Jeux olympiques de Paris, le temps presse. Mais, à l’image de sa prise de fonctions, le technicien tricolore compte travailler en douceur. «La vision n’est évidemment pas de repartir de zéro, assure-t-il. En d’autres termes, le temps n’est pas à la reconstruction, mais plutôt à l’évolution.»
Cette dernière peut passer par le traitement de manière plus professionnelle de certains aspects centraux comme la préparation physique, la nutrition ou l’analyse des performances. «Le but sera de collaborer encore davantage avec des scientifiques sur des projets bien spécifiques», avance l’ancien coach de Jean-Christophe Péraud, deuxième du Tour de France en 2014.
Mais il s’agit là uniquement de la partie émergée de l’iceberg. Car le cyclisme sur piste helvétique fait face à un problème de fond: son réservoir de jeunes talents sonne creux. Ce que Mickaël Bouget explique facilement. «Chez les hommes, il y a une certaine concurrence entre les disciplines, analyse-t-il. On se rend compte que les coureurs sur route passent professionnels de plus en plus tôt. La phase d’apprentissage et de développement, dont la piste fait pleinement partie, est de plus en plus courte.»
Pour inverser cette tendance et attirer les jeunes sur la piste, le successeur de Daniel Gisiger planifie une stratégie bien précise. «Déjà, on veut utiliser les modèles de réussite que sont Filippo Ganna ou Benjamin Thomas. Ce sont des exemples qui prouvent que le double projet piste-route est tout à fait possible.» Cette transversalité entre les disciplines vise aussi les athlètes plus âgés, bien que le passage sur la piste «ne se fait pas du jour au lendemain».
D’où la nécessité d’identifier les coureurs à fort potentiel le plus rapidement possible. «En ce sens, le point positif réside dans le fait que tous les juniors de niveau national qui font de la route ont l’obligation de pratiquer de la piste durant la période hivernale», se félicite le Français. Cette politique, conjuguée au lancement du projet de la poursuite par équipe voilà cinq ans, explique la courbe ascendante chez les femmes. «Le réservoir est en train de s'étoffer petit à petit et plusieurs juniors talentueuses sont bientôt prêtes à faire le saut.»
Clubs régionaux en hibernation
C’est d’ailleurs vers ce modèle pyramidal que le nouvel entraîneur national, qui a vu l’ex-pistard Tristan Marguet venir le seconder dans ses fonctions, tend à aller. En ce sens, Mickaël Bouget entend sortir certains clubs de leur hibernation, à commencer par ceux d’Aigle et d’Oerlikon. «Pour avoir le plus grand nombre de jeunes possible à détecter, il faut qu’il se passe quelque chose dans les régions qui possèdent des pistes. C’est aussi la responsabilité de Swiss Cycling de faire bouger les choses.»
La mise en place de cette réflexion demande du temps, alors que Paris 2024 pointe déjà le bout de son nez. Ainsi, pour assurer la transition (et sauver les apparences), la Fédération espère pouvoir compter dans la capitale française sur Stefan Bissegger ou Mauro Schmid, présents sur le cycle olympique précédent.