Contrainte sexuelle: Procès du tennisman Yves Allegro: crédible mais condamné

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Contrainte sexuelleProcès du tennisman Yves Allegro: crédible mais condamné


Accusé d'avoir violenté une collègue, l'ex-partenaire en double de Roger Federer n'a pas été acquitté en appel. Le Valaisan écope d'une peine allégée avec sursis. La Cour cantonale croit en revanche à son amnésie de la nuit litigieuse. Qui montera au TF?

Evelyne Emeri
par
Evelyne Emeri
Spécialiste du double, l’ancien tennisman professionnel de 43 ans a été condamné une deuxième fois pour contrainte sexuelle. Va-t-il grimper au Tribunal fédéral pour tenter l’acquittement?

Spécialiste du double, l’ancien tennisman professionnel de 43 ans a été condamné une deuxième fois pour contrainte sexuelle. Va-t-il grimper au Tribunal fédéral pour tenter l’acquittement?

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Le deuxième set s'est joué le 5 avril dernier à Sion devant le Tribunal cantonal (TC).  Accusé d'avoir frappé et agressé sexuellement une de ses homologues autrichiennes lors d'une conférence de coachs européens en Estonie une nuit d'octobre 2014, Yves Allegro a perdu. Les juges cantonaux ont confirmé sa condamnation de première instance pour contrainte sexuelle. Ils l'ont toutefois réduite de 4 mois «notamment en raison de la violation du principe de célérité et de la couverture médiatique donnée à cette affaire». L'ancien entraîneur principal de Swiss Tennis écope ainsi de 20 mois avec sursis durant deux ans au lieu des 24 mois arrêtés par le Tribunal du district de Sierre en décembre 2019.


15 000 francs pour tort moral

La Cour d'appel a rejeté les appels de la défense qui plaidait l'acquittement et de la partie plaignante. Elle a également rejeté l'appel interjeté par le Ministère public qui, par deux fois, a requis de la prison ferme à l'encontre du Valaisan de 43 ans, respectivement 4 ans pour viol et contrainte sexuelle en 2019 et 3 ans lors de l'audience de début avril au TC. Ce dernier a rendu son verdict et un jugement motivé de 64 pages en fin de semaine dernière. Hormis la peine privative de liberté avec sursis, l'ex-joueur professionnel devra s'acquitter d'une indemnité de 15 000 francs pour tort moral à la faveur de la plaignante, de 3500 francs à titre de dommages et intérêts, de tous les frais de première instance, enfin du tiers des frais d'appel.

«Pas le fruit d’hallucinations»

La qualification de viol n'a pas été retenue par le Tribunal cantonal valaisan tout comme l'avait fait le Tribunal du district de Sierre. Yves Allegro se voit ainsi acquitter de ce chef de prévention pour la seconde fois. Il reste en revanche la contrainte sexuelle et la sanction pénale bien qu'assortie du sursis. La Cour d'appel a estimé que «sur la base d'un faisceau d'indices, en particulier des expertises médicolégale et psychiatrique de la partie plaignante, de l’état de stress post-traumatique de cette dernière ainsi que de ses bribes de souvenirs, qui ne sauraient être le fruit d’hallucinations ou d’une reconstitution mentale, l’accusé avait usé de violence envers elle pour la contraindre à subir divers actes d’ordre sexuel».

«Il a été jugé crédible»

Du côté de la défense, Me Pierre-Damien Eggly et Me Guillaume Grand s'interrogent quant à la pertinence ou pas de recourir au Tribunal fédéral (TF). Il y a comme un sentiment d'inachevé, d'un jugement en demi-teinte. «Contrairement aux juges de première instance, le Tribunal d'appel a retenu que notre mandant était crédible dans ses déclarations et que, partant, son black-out total l'était aussi. Ce n'est pas rien», se félicite Me Eggly. Durant cette soirée et cette nuit d'octobre 2014, les deux protagonistes avaient expliqué avoir eu un black-out dû à une surconsommation d'alcool. Le prévenu a toujours affirmé ne se souvenir de rien jusqu'à son réveil le lendemain matin et contestait la moindre violence. L'Autrichienne en revanche prétendait avoir eu des flashbacks deux jours plus tard en voyant certains bleus sur son corps.

«Elle était consentante»

A l'issue de la communication de la sentence du Tribunal cantonal, les avocats d'Yves Allegro n'ont pas caché la déception de leur client: «Cette fois-ci, non seulement les juges ont cru en sa bonne foi mais ils estiment que la plaignante a bien consenti à entretenir ce rapport sexuel et qu'elle n'est pas crédible en soutenant le contraire». Autrement dit, en première instance, il est dit que M. Allegro est un menteur; en appel, que la plaignante était consentante à l'exception de certains actes (ndlr. bleus sur un sein et ses poignets). «Pour le Tribunal cantonal, ces autres actes précisément constituent une contrainte sexuelle ce que conteste toujours avec force Yves Allegro», ajoute Me Pierre-Damien Eggly.

Recours au TF? 

Toutes les parties peuvent recourir contre ce verdict auprès du Tribunal fédéral (TF). Le condamné et sa partenaire d'un soir dont les avocats respectifs - Me Eggly et Me Grand pour Yves Allegro, Me Harald Gattlen pour la plaignante -  étudient actuellement le jugement motivé. Le ministère public valaisan, qui tient la ligne d'une peine ferme depuis le début de cette affaire, est très attendu pour le match au TF. Contactée par email, la procureure Corinne Caldelari nous a fait savoir qu'elle aussi était en pleine analyse «afin de décider de l'opportunité d'un recours au Tribunal fédéral». 

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