Nord-est du NigeriaMalgré la crise, les autorités restreignent l’aide humanitaire
Dans l’État nigérian du Borno, où sévissent la famine et les jihadistes, le gouvernement veut restreindre l’aide humanitaire et renvoyer la population dans les champs.
![Les déplacés avaient rejoint les camps pour se protéger des attaques. Les déplacés avaient rejoint les camps pour se protéger des attaques.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/08/bfd5d269-731e-473e-84d1-6253c96be043.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C2048%2C1536&fp-x=0.5&fp-y=0.5&s=d2a252735ad871e85c4bf82fa1658897)
Les déplacés avaient rejoint les camps pour se protéger des attaques.
REUTERSLe gouverneur de l’État du Borno, dans le nord-est du Nigeria, en proie à une insurrection jihadiste, a interdit les distributions de nourriture à des dizaines de milliers de personnes dans le besoin, en dépit des inquiétudes des organisations humanitaires. Dans cette région ravagée par un conflit depuis douze ans, 2,4 millions de personnes sont menacées par la faim, selon les Nations Unies, qui prévoient qu’elles seront 3,5 millions l’année prochaine.
«Aucune organisation partenaire, qu’elle soit locale, nationale ou internationale, ne sera désormais autorisée à distribuer de la nourriture ou d’autres biens, dans aucune des communautés récemment réinstallées à travers l’État», a écrit le gouverneur du Borno, Babagana Umara Zulum, dans une lettre écrite le 6 décembre. Le porte-parole du gouverneur, Isa Gusau, a confirmé par e-mail l’authenticité de cette lettre.
Autonomiser les gens
Cette interdiction de distribution de nourriture concerne les personnes ayant récemment quitté les camps de déplacés où elles avaient trouvé refuge pour se protéger des attaques, sur ordre du gouvernement, qui veut encourager les populations à retourner dans les villages et aux champs. L’objectif du gouvernement est d’éloigner «les gens des distributions humanitaires pour les remplacer par leur autonomisation, en leur redonnant la dignité d’acheter leur propre nourriture et de déterminer leur avenir», selon cette lettre.
Mais les travailleurs humanitaires au Nigeria, qui fournissent de l’aide à plus de huit millions de personnes, ont fait part de leurs vives inquiétudes. Dans les zones où les déplacés se sont réinstallés, «l’accès aux terres reste volatil, et d’ici à la prochaine récolte, nous nous demandons comment ils vont survivre», a déclaré un haut responsable d’une ONG internationale qui a requis l’anonymat.
Humanitaires ciblés par les insurgés
Selon les ONG, certaines des zones concernées par ces réinstallations ne sont pas sûres, car les jihadistes du groupe État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap) continuent de lancer des attaques meurtrières. «L’environnement opérationnel dans le nord-est du Nigeria est de plus en plus instable», a ajouté le responsable humanitaire. «Les groupes armés non étatiques ont multiplié les embuscades contre les convois militaires, l’utilisation d’engins explosifs, les tirs indirects (mortiers et roquettes) et les attaques contre les villes de garnison.»
«D’ici à la prochaine récolte, nous nous demandons comment ils vont survivre.»
Les humanitaires ont également dû restreindre leurs déplacements après avoir été directement pris pour cible par les insurgés. «Renvoyer des personnes dans des zones où sévit une insécurité alimentaire et les couper d’assistance est contraire à la convention de Kampala», poursuit le responsable interrogé au téléphone depuis Paris. La convention de Kampala est le seul traité international qui oblige les gouvernements à fournir une protection juridique aux personnes déplacées.
Empêcher un accès humanitaire dans une zone de conflit va également à l’encontre des résolutions de l’ONU, selon ce responsable, qui stipule que cela «peut constituer une violation du droit humanitaire international».