Football«L’équipe de Suisse c’est comme ma fille, je paie sans compter!»
Giancarlo Vacchini est ce qu’on appelle un vrai supporter. Il est à Saragosse pour l’Espagne-Suisse de Ligue des nations, ce samedi soir. On l’a rencontré.
- par
- Daniel Visentini Saragosse
Alimentée par une multitude de petites ruelles tordues qui s’enfoncent entre les bâtiments, la «Calle de Alfonso I» est cette avenue piétonne plantée en plein cœur de Saragosse, hommage vivant au roi d’Aragon et empereur d’Espagne au XIIe siècle. Samedi matin, beaucoup de monde flâne sur l’artère. Les bars à tapas ne sont pas encore ouverts, ils seront bientôt noyés de monde. Il y a un Espagne-Suisse au programme, ce samedi soir. Rien ne l’indique.
Et puis, en se baladant, on croise quelques maillots suisses. Des anciens tricots, des actuels. Aucun de la Roja: les Espagnols se réservent pour le match, c’est un événement ici, où la sélection ibérique n’a joué que rarement. Tous les billets ont été vendus en moins d’une heure. La Romareda, le vieux stade du Real Saragosse, sera rouge ce soir. Le rouge de l’Espagne.
En attendant, quelques supporters helvétiques se promènent tranquillement. Au milieu des passants, un T-shirt rouge attire l’attention. Le drapeau suisse est imprimé, on lit en dessous «Section Romandie», il a été floqué en mémoire d’un déplacement pour Luxembourg-Suisse en 2009.
Plus de Section romande!
C’est avec un accent tessinois que le porteur du maillot répond. C’est Giancarlo Vacchini, 73 ans, Tessinois donc, enseignant à la retraite. «J’étais membre de la Section Romandie des amis de l’équipe de Suisse, oui, sourit-il. Mais elle n’existe plus. Je suis ici avec la Section tessinoise, dont je suis membre aussi.»
Plus de Section romande? Mais pourquoi? «C’est une longue histoire, soupire Giancarlo. Cela s’est arrêté après le Mondial au Brésil, en 2014. Le président de la section a subitement disparu après le deuxième match de la Suisse, contre la France. Il est rentré au pays, sans avoir payé les chambres d’hôtel. Moi, je voyageais en marge du groupe, il y avait déjà eu des problèmes avec lui, donc j’avais pris mes distances. Mais tous les autres ont dû payer une deuxième fois. Depuis, la Section Romandie n’existe plus.»
Un peu d’amertume dans la voix de Giancarlo Vacchini. Mais tout cela est vite balayé par sa passion pour l’équipe de Suisse. Voilà un fidèle supporter. Avant qu’il soit à la retraite, en 2009, il jonglait comme il pouvait avec ses obligations d’enseignant pour suivre la sélection helvétique, avec retenues sur salaire quand il s’absentait. Mais depuis 2009, il est toujours là. À une exception près.
Un seul match manqué depuis 2009
«Depuis 2009, je n’ai manqué qu’un seul match de l’équipe de Suisse, assène-t-il fièrement. C’était Suisse-Biélorussie, à Neuchâtel.» Empêchement ponctuel ce jour-là, pour un match en Suisse pourtant. Mais présence permanente partout sinon, lors de tous les déplacements. Et donc ici aussi, à Saragosse. Leçon de fidélité.
Tout cela a un coût. Le budget voyage est conséquent. «Oh oui», s’amuse Giancarlo en haussant les sourcils. Mais alors, combien? Combien sa passion lui coûte-t-elle?
Réponse savoureuse. «Je ne veux pas calculer, lance le supporter. Vous savez, l’équipe de Suisse, c’est un peu comme si c’était ma fille. Pour sa fille, on ne regarde pas à la dépense. Je paie sans compter.» Une passion qui n’a pas de prix, cela doit être ça.
Passion, cela rime aussi avec ambition. Alors justement, il y a cet Espagne-Suisse de Ligue des nations, à Saragosse. Les espoirs de Giancarlo Vacchini? «Je crois que cela va être compliqué contre l’Espagne, dit-il. Un nul, ce serait bien, non?» Oui, sans doute. Mais pourquoi pas une victoire? «Mais bien sûr, une victoire ce serait encore mieux, sourit aussitôt le Tessinois. Tiens: comme à Durban, lors du Mondial en Afrique du Sud. J’y étais. Ce succès 1-0 face à cette Espagne future championne du monde. Ce but de Gelson Fernandes!»
Ses attentes au Mondial
Et au Mondial? Qu’attend-il de la Suisse au Qatar, où il sera présent? Ce sera sa cinquième Coupe du monde en qualité de supporter de la Suisse, après 1994, 2010, 2014 et 2018. «J’espère au moins un huitième de finale, explique Giancarlo. Il faudra bien commencer contre le Cameroun, contre le Brésil ce sera compliqué, plus qu’en Russie sans doute. Et contre la Serbie il faudra gagner. C’est possible, on l’a vu en Russie aussi il y a quatre ans.»
Ce samedi soir, quand le coup d’envoi de cet Espagne-Suisse sera sifflé, il y aura dans les tribunes de la Romareda un sacré supporter.