Guerre en Ukraine – «Les rumeurs disent que quelque chose de terrible va venir ici»

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Guerre en Ukraine«Les rumeurs disent que quelque chose de terrible va venir ici»

En attendant le rouleau compresseur russe, le Donbass sous contrôle ukrainien se vide de sa population. Reportage à la gare de Kramatorsk.

Près de 2000 personnes embarquent chaque jour pour l’ouest.

Près de 2000 personnes embarquent chaque jour pour l’ouest.

AFP

Femmes, enfants, personnes âgées… Ils étaient des centaines ce week-end à attendre leur train à la coquette petite gare de Kramatorsk. «C’est comme ça depuis cette fin de semaine, à raison de près de 2000 personnes par jour qui embarquent pour l’ouest, vers Lviv ou autre», raconte Nasir, volontaire humanitaire venu aider à l’opération. «C’étaient deux trains par jour normalement, mais maintenant il y en a quatre».

«La situation est mauvaise. Beaucoup de gens sont déjà partis, les hommes restent, nos familles s’en vont», grimace Andreï. Sofia, sa fille ado, rit nerveusement avec trois copines, elles aussi sur le départ. Elles ont pris «une grande infusion de valériane pour se détendre», Sofia avoue «être un peu triste». «Comme tout le monde, j’envoie mes enfants à l’ouest dans le village de mon beau-frère, là où il n’y a pas d’installation militaire», prend soin de préciser Andreï.

Prochain Marioupol?

Depuis que la Russie a annoncé vouloir «concentrer ses efforts sur la libération du Donbass», cette région vit dans l’angoisse d’une offensive russe majeure. «Selon les dernières infos, la Russie ramène ses troupes vers l’est, et nous serons bientôt encerclés», s’inquiète Viktoria, médecin pour «Assistance humanitaire». «Nous espérons que notre armée tiendra. Ici pourrait bien avoir lieu le prochain Marioupol», prévient-elle. «Franchement, il n’y a pas eu vraiment la guerre jusqu’à présent à Kramatorsk», reconnaît la jeune médecin.

Relativement étendue, la ville de Kramatorsk ne porte que très peu de cicatrices des bombardements qui ont visé épisodiquement l’aéroport. La situation est calme, les rues désertes, comme étrangement calmes et silencieuses avant la tempête. «Les bombardements peuvent commencer à tout moment», prévient Andreï. «Les rumeurs disent que quelque chose de terrible va venir ici», s’angoisse Svetlana, venue accompagner une amie.

«J’ai attendu jusqu’au dernier moment»

À droite sur le quai, les familles avec les plus jeunes enfants. De l’autre côté les personnes plutôt âgées, les femmes seules, dont une autre Svetlana, sac de sport noir plein à craquer sur une épaule, dans l’autre main sa chienne fox-terrier au bout d’une laisse. Mika a les pattes tremblotantes, «elle est nerveuse, elle a compris qu’il se passe quelque chose». «Des amis m’ont trouvé un appartement à Rivne. Nous avons vraiment peur maintenant. J’ai attendu jusqu’au dernier moment, mais là il faut partir».

La famille Rybalko, avec ses deux grands-mères à bonnet de laine, discute sur un banc, mains posées sur leurs ballots. Le fiston grignote un chocolat, la plus grande court entre les jambes des adultes. Un chaton siamois dort dans l’emballage en carton d’un robot «Smart-dog» reconverti en panier à chat. «Il se dit que le front va venir jusqu’ici. Je n’arrive pas à y croire. Mon mari reste ici, il aime trop sa maison, ses chiens, son jardin», lâche Tamara, l’une des deux matriarches,

Le train arrive. La foule s’ébranle, canalisée par les volontaires. En quelques minutes, tout le monde est à bord. Une étreinte, un rapide baiser, une main de gamin collée sur la vitre en guise d’au revoir. «Pourquoi je reste?» réfléchit Ivan, le mari de Tamara, pognes d’agriculteur et sourcils en broussaille. «Ma ville aura sans doute besoin de moi. Je suis né ici, j’ai vécu ici. Nous allons attendre que ces temps mauvais passent.»

(AFP)

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