ItalieTaxe sur les «surprofits», les banques dégringolent en Bourse
L’Italie compte prélever une taxe de 40% sur les «surprofits» des banques générés par la hausse des taux d’intérêt, une décision surprise qui a provoqué mardi la dégringolade des titres du secteur financier en Bourse.
Le gouvernement de Giorgia Meloni prévoit de taxer les «surprofits» de «milliards» d’euros des banques pour compenser le coût pour les ménages et les entreprises de l’envolée des taux d’intérêt, a annoncé lundi soir le vice-Premier ministre Matteo Salvini. Les hausses de taux pratiquées par la Banque centrale européenne (BCE) ont dopé les bénéfices des banques et lésé leurs clients qui subissent de plein fouet l’augmentation de leurs taux d’emprunt, a déploré M. Salvini, à l’issue d’un conseil des ministres. «Il ne s’agit pas de quelques poignées de millions, mais de quelques milliards. C’est une mesure d’équité», a assuré le patron de la Ligue, parti d’extrême droite membre de la coalition gouvernementale.
À la Bourse de Milan, l’ensemble des actions bancaires chutaient. Vers 13 h 00 (11 h 00 GMT), les deux premières banques Intesa Sanpaolo et Unicredit perdaient respectivement 8,6% et 7%. Monte dei Paschi di Siena dévissait de 10,2%, Bper Banca de 10% et Banco Bpm de 8%.
«Mauvaise nouvelle»
L’annonce du gouvernement a pris de court le secteur et les analystes. «C’est une mauvaise nouvelle inattendue qui déclenche une réaction négative des marchés», ont commenté les experts de Banca Akros, estimant que le bénéfice par action des banques sera amputé de 7% en moyenne. La taxe sur les «surprofits» des banques concernera les exercices comptables de 2022 ou 2023, a indiqué à l’AFP une source gouvernementale.
«Nous disons depuis des mois que la BCE a tort de relever les taux d’intérêt», et cette taxation en «est la conséquence inévitable», a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani, au journal «Corriere della Sera». «Ce n’est pas d’une mesure contre les banques, mais elle vise à protéger les familles», a-t-il fait valoir, ajoutant que «la mesure ne durera qu’un an» et fera encore l’objet de discussions au Parlement.
Le prélèvement de 40% sera effectué soit sur la partie du revenu net d’intérêts de 2022 dépassant d’au moins 3% le montant de l’exercice 2021, soit sur les profits de 2023 pour lesquels le seuil est fixé à 6%. Le montant de l’impôt extraordinaire ne peut en aucun cas excéder une proportion égale à 25% de la valeur des actifs nets d’une banque.
La Première ministre Giorgia Meloni compte ainsi mobiliser des fonds en vue du projet de budget pour 2024, qui risque de manquer de ressources en raison du recul surprise du Produit intérieur brut de 0,3% enregistré au deuxième trimestre.
Cette taxe pourrait rapporter plus de deux milliards d’euros, selon de premières estimations citées par la presse italienne. Les recettes découlant de cet impôt seront versées à un fonds destiné à financer des mesures visant à réduire la charge fiscale des ménages et entreprises.
Envolée des profits
Les banques italiennes, à l’instar de leurs concurrentes européennes, ont vu leurs revenus nets d’intérêts s’envoler dans la foulée de la hausse des taux, sans pour autant augmenter la rémunération des comptes courants de leurs clients. Intesa Sanpaolo a ainsi vu son bénéfice net bondir de 80% à 4,2 milliards d’euros au premier semestre. Elle s’attend à un revenu net d’intérêts dépassant les 13,5 milliards d’euros en 2023. Sa rivale UniCredit a affiché un bénéfice net semestriel de 4,4 milliards d’euros.
La taxation des banques a suscité des réactions contrastées. Le syndicat CISL y voit une mesure «juste» qui «devrait être étendue à d’autres multinationales» des secteurs de l’énergie, du numérique ou encore de la logistique. «C’est une taxe extrêmement controversée» qui semble être inspirée de l’Espagne, a commenté Francesco Galietti, fondateur du cabinet de consultants Policy Sonar, fustigeant «une mesure populiste typique».
Le gouvernement de gauche espagnol a instauré l’an dernier un impôt exceptionnel sur les banques prévu pour 2023 et 2024, suscitant les critiques de la BCE, qui redoutait des «conséquences potentiellement négatives» pour le secteur.