CommentaireQuand le procureur Eric Cottier booste la campagne électorale
Le jugement concernant les zadistes du Mormont a mis le feu aux poudres entre le chef du Ministère public et la présidente socialiste vaudoise. Le premier n’aime pas qu’on lui dise ce qu’il doit faire. La seconde ce qu’elle a le droit de dire.
La campagne pour les élections vaudoise s’anime ou s’envenime, c’est selon, avec la polémique qui s’est déclarée entre la présidente du Parti socialiste, Jessica Jaccoud, et le procureur général Eric Cottier, d’obédience PLR. La première a réagi au jugement de première instance du Tribunal de Nyon, qui a revu à la baisse les peines infligées aux zadistes de la colline, au grand dam du second.
Dans une chronique parue dans «Blick» au titre assez sec, «Du balai et du sang neuf», la présidente estime que le procureur doit tirer «les leçons de ses erreurs et qu’il révoque immédiatement les ordonnances pénales qui pèsent sur les dizaines d’autres militants».
Eric Cottier: candidat à sa succession?
Pour Eric Cottier, Jessica Jaccoud a dépassé les bornes. En lui disant ce qu’il doit faire, elle ne respecterait pas la séparation des pouvoirs. Il a donc écrit une lettre à tous les députés pour se plaindre de cette chronique. Mais, en faisant cela, ne se place-t-il pas lui-même dans la position de celui qui veut influencer l’autre pouvoir? Eric Cottier arrive au terme de son mandat à la fin de cette année. Il n’est pas certain qu’il souhaite «du sang neuf», puisqu’il a évoqué au «19:30», sur la RTS mardi, le fait qu’il pouvait être candidat à sa succession.
Dans la chronique de Jessica Jaccoud, ce n’est sans doute pas la séparation des pouvoirs qui fait mal aux oreilles d’Eric Cottier mais son ton qui le fait passer pour un magistrat qui ne connaîtrait plus «des leçons que l’on apprend en première année de droit». Elle en appelle à un nouveau procureur «intégré dans son époque, un vent de fraîcheur…» Et elle ne veut surtout plus d’un homme qui a «fait l’entier de sa carrière dans les arcanes du Parti radical vaudois»!
Un débat tout à fait public
Il n’y a plus de doute, nous sommes bien en pleine campagne électorale. La question de la séparation des pouvoirs est un prétexte. Celle-ci serait en danger, si elle faisait l’objet de manœuvres souterraines et silencieuses. Ici le débat est public entre deux perceptions antagonistes des manifestations liées au climat et leur caractère ouvertement anticapitaliste. Là, le procureur du PLR a sorti son «canon légal pour tirer sur les manifestants pacifistes», selon l’expression du présentateur du «19:30».
C’est pourquoi Eric Cottier va faire appel contre le jugement de première instance en faveur des zadistes, avec la détermination qu’on lui connaît. C’est son droit et personne ne le lui conteste. Quant à Jessica Jaccoud, elle s’exprimait peu avant dans l’émission «Forum». Défendant sa liberté d’expression, elle remerciait finalement le procureur pour la grande publicité faite à sa chronique!